ARCHIVES
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2010
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Nelson Mandela et Messali Hadj : un même combat !
Juin 1957 : Premier
Congrès de l’USTA
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2008
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Immigration algérienne et identité française
La Cité de l’immigration propose l’écriture d’une histoire longue des
immigrations qui, en se fondant dans le creuset français, ont contribué
à façonné l’histoire du pays d’accueil et à remodeler, en bousculant les
pesanteurs du passé, son identité.
Une telle démarche rend maintenant possible l’écriture d’une histoire
scientifique de l’immigration algérienne, particulièrement maltraitée
jusqu’ici. En effet, la principale version en circulation découpe la séquence
1958-1962 de l’histoire séculaire de cette immigration1qu’elle assimile
abusivement à la résistance française, puis elle procède à une lecture
partisane du passé, dans le même temps qu’elle a bloqué le processus de
l’intégration des enfants issus de l’immigration algérienne.
Pour faire oeuvre d’historien et de citoyen, il convient de tordre le
cou à la construction faite par les héritiers du lobby FLN, parce qu’elle
est fausse et réactionnaire, comme il apparaît :
● elle ignore, minorise ou dénature l’histoire sociale et politique
des travailleurs algériens, inscrits dans le procès de production, membres
de la CGT et de l’Étoile Nord-Africaine, du PPA, du MTLD puis du MNA qui
participèrent à tous les combats de la classe ouvrière en France.
● elle camoufle le fait que c’est après les massacres de Melouza
et de la direction de l’USTA que le FLN, a pris, avec la complicité du
PCF (l’accord Harbi-Lebjaoui-Tollet créant l’AGTA), le contrôle militaire
de l’émigration, rendant possible la formation du GPRA, se proclamant
représentant unique et légitime du peuple algérien.
● elle parle de guerre fratricide entre deux organisations rivales
mais de même nature, alors que le FLN s’est engagé dans une guerre d’extermination
du MNA, dès le départ (tentative d’assassinat de Messali par Tarbouche,
lieutenant de Boudiaf en 1955, massacre de milliers de messalistes sur
décision d’Abane Ramdane, dès mars 1955)
● elle justifie l’emploi du terrorisme par le FLN, jamais employé
par l’Étoile construite au sein du mouvement communiste et porteur de
son mode d’organisation et de ses méthodes de lutte. Il en est de même
pour le PPA, le MTLD et le MNA. Le terrorisme en dressant une fracture
entre travailleurs français et algériens, a créé les conditions d’un puissant
racisme anti-algérien, de l’alignement de la gauche sur le général de
Gaulle, déterminé à larguer le boulet algérien, de l’exode massif des
Européens de leur pays et de l’avènement d’un régime militaro policier
en Algérie, avec l’islam comme religion d’État.
●elle survalorise l’aide apportée sans condition au FLN par les
porteurs de valises, les aventuriers, les déclassés, insoumis, déserteurs
et mercenaires en ignorant les combats menés par la classe ouvrière, la
gauche socialiste et révolutionnaire, les syndicats de la Fédération de
l’Education nationale (FEN)comme l’action menée par le contingent en Algérie.
● elle fait du 17 octobre 1957, la journée unique et mémorable du
martyr de l’émigration (elle ignore les manifestations des Algériens pendant
le Front populaire, les 1er mai et le 14 juillet 1954 et celle du 9 mars
1956 pendant le débat sur les pouvoirs spéciaux en Algérie), sans expliquer
le contexte, en diabolisant Papon qui ne fut qu’un exécutant et en justifiant
le terrorisme FLN, à un moment où de Gaulle s’apprêtait à signer les accords
d’Évian, en capitulant sur toute la ligne. Le refus du président Sarkozy
de signer le traité d’amitié franco-algérien, exigé par Bouteflika, met
un point final à la guerre d’Algérie. Elle rend maintenant possible la
critique radicale des travaux des historiens du lobby FLN, qui connaîtront
le même discrédit que tous les laudateurs du stalinisme. Laissons aux
nouveaux historiens le soin de faire le ménage et faisons oeuvre utile
en montrant comment l’Etoile Nord-Africaine a participé en 1934 à la lutte
contre le fascisme, l’impérialisme et l’antisémitisme en menant ces combats
en alliance avec la classe ouvrière.
1934 : le combat de Messali Hadj et de l’Étoile Nord-Africaine
FEVRIER 1934
C'est en février 1934 que Messali Hadj, secrétaire général de l'Étoile
nord-africaine se dégage de sa relation, conflictuelle mais exclusive,
avec le PCF pour nouer des liens avec la gauche socialiste, les trotskystes
et les groupes menant la lutte contre l'impérialisme, le fascisme et l'antisémitisme.
l. Le contexte historique
En 1929, le krach boursier d'octobre 1929 aux États-Unis va, en s'élargissant
à la sphère de la production, affecter gravement la société américaine.
En s'internationalisant, la crise va toucher l'Allemagne dont l'économie
s'effondre en 1931. C'est dans ces conditions qu’Hitler qui s'est fortement
rapproché du patronat, devient le 30 janvier 1933, chancelier du Reich.
Vivant quelque peu en marge du capitalisme mondial et protégé par l'archaïsme
de ses structures économiques, la France ne sera affectée par la crise
qu’à l'automne 1931. Très vite, la crise économique devient sociale et
touche directement les partis du gouvernement, radicaux et modérés, et,
au delà, le régime parlementaire lui-même. Du printemps 1932 au début
de l'année 1934, le parti radical use au pouvoir ses principaux chefs'
Edouard Herriot, Edouard Daladier, Camille Chautemps, Albert Sarraut,
sans parvenir à gouverner vraiment.
L'arrivée d'Hitler au pouvoir va exacerber les tensions sociales et politiques.
C'est dans ce contexte de paralysie du régime qu'éclate l'affaire Stavisky.
(1) En janvier, les ligues et diverses organisations (2) manifestent pour
remplacer la République par un régime fort. Le 6 février, les Ligues et
l'Union Nationale des Combattants appellent á une grande manifestation
devant la Chambre, pour demander la démission d'Edouard Daladier qui a
remplacé au gouvernement Camille Chautemps. La police s'oppose puis tire
sur les manifestants sur le pont de la Concorde, faisant 16 morts et 665
blessés. (3) Gaston Doumergue succède à Edouard Daladier, mais consciente
de la profondeur de la crise sociale et politique, la CGT appelle à la
grève générale et participe avec la SFIO et le PCF à une manifestation,
de la porte de Vincennes á la Nation.
2. L'Étoile nord-africaine et la crise de février 1934.
Menacée de dissolution en 1929, l' Étoile a traversé une période difficile
jusqu'en 1932, par le fait de la crise économique qui â frappé les travailleurs
immigrés, la répression policière, la poussée de la xénophobie et l'hostilité
du PCF qui veut prendre son contrôle.
Malgré tout, Messali Hadj, soutenu par le comité directeur de l’Étoile
redresse la barre. Il lance El Ouma, un journal de propagande, d'information
et d'organisation, inspirée de l'Iskra de Lénine (4), puis il dirige le
28 mai 1933, au 49 rue de Bretagne, une Assemblée générale qui dote l'Etoile
d'un programme prolétarien radical et la structure sur le modèle communiste
(5) car le danger approche.
« En ces années 33-34, la paix du monde était menacée à la fois par le
colonialisme et par le fascisme italien et allemand. Un mouvement antifasciste
et anti-impérialiste prenait son essor au sein de la classe ouvrière et
de la gauche française. Il était temps, car, à Paris, les jeunesses patriotiques
commençaient á manifester devant la Sorbonne et le boulevard Saint-Germain,
tandis qu'Hitler devenait chancelier. Ce fut alors le 6 février 1934,
les affrontements entre les manifestants anti-fascistes et les forces
de police, les tentatives pour s'emparer de la Chambre des Députés, les
morts et les blessés de part et d'autre (...)
On sait que de nouveaux affrontements eurent lieu et qu'une deuxième manifestation
se déroula le 9 février 1934, Place de la République, puis une troisième,
le 12 février 1934, cours de Vincennes (...). II y avait des dizaines
et des dizaines de milliers de manifestants. Les gens parlaient par groupes
et insistaient sur la nécessité de l'unité de la gauche. On scandait le
mot d'ordre « unité d'action ». Tous les grands dirigeants et élus du
Parti socialiste, du PCF, du Parti radical et d'autres associations de
gauche étaient présents. Des discours ont été prononcés par Blum, Paul
Faure, Marcel Cachin et Duclos. Après cela, le cortége de la manifestation
se mit en branle au rythme des chansons révolutionnaires.
Tout cela me donnait á penser. L'Étoile Nord-Africaine prenait l'allure
d'un parti politique, avec des structures de plus en plus solides. Aussi
je me dis que notre place était tout indiquée à côté du peuple français
et du socialisme démocratique. Certes, le socialisme français ne se préoccupait
guère de nos revendications nationales, mais malgré tout, il y avait des
possibilités,
au sein de la gauche, de plaider notre cause auprès de l'opinion publique.
Réunis successivement, le bureau politique, le Comité directeur et une
assemblée générale approuvèrent cette position.
Le tête-à-tête avec les communistes prenait définitivement fin. Nous traitions
d'égal á égal avec les différents groupements de la gauche française et
de nouvelles perspectives s'ouvraient. » (6)
Début février, Messali est mandaté par le Bureau politique pour suivre
la situation. Le 6 février, il rencontre Daniel Guérin.
«À l'occasion de l'émeute fasciste du 6 février 1934, je fis la connaissance
de l'Algérien Messali Hadj, l'animateur de l'Étoile Nord-Africaine, venu
offrir à la Fédération de la Seine son concours pour contrecarrer la propagande
des « ligues » auprès des travailleurs nord africains.
Messali était alors un grand jeune homme un peu osseux, vêtu à l'européenne
et portant un soupçon de moustache noire. » (7)
À partir du 6 février, les Étoilistes sont présents dans les manifestations
de la gauche et ils débrayent pendant la grève générale du 12 février.
Sans tarder, le gouvernement qui redoute une alliance entre l'Etoile et
la gauche, réagit en intimidant Messali :
« J'eus droit à une première perquisition de la police à mon domicile,
faite par un juge d'instruction et un commissaire de police. Comme avocat,
je pris Maître Jean Longuet, mais le PCF ne fut pas content de mon choix.
En revanche, le Parti socialiste commença á nous ouvrir ses portes et
à prêter plus d'attention à notre situation. Notre prestige augmentait
alors considérablement auprès des étudiants et des travailleurs algériens.
» (8)
Cette liaison avec la gauche socialiste et révolutionnaire conduira Messali
à participer á tous ses combats jusqu'en 1939.
3. Contre le fascisme, le nazisme et l'impérialisme
Messali est très au courant des problèmes du Moyen-Orient et il sait que
dans la Palestine du Mandat anglais, les affrontements sanglants entre
les Sionistes et les Arabes à Jérusalem ont créé une situation qui sera
exploitée par l'Italie puis par l'Allemagne.
C'est ainsi que Mussolini soutiendra l'émir Chekib Arslan qui lutte pour
la Nahdah, la renaissance du monde arabe qui passe en grande partie par
la reconstruction de la Grande Syrie (Syrie+Liban+Palestine) et par le
réveil du Maghreb occupé par la France. La revue qu'il créée à Genève
en 1930, la Nation Arabe, une revue panislamique et panarabe, exercera
une influence profonde sur les leaders indépendantistes du Maghreb et
du Proche-Orient. (9) À la même date, Messali développe dans El Ouma,
une orientation opposée et mène une politique fondée sur le front unique
ouvrier, l'internationalisme prolétarien et l'antiimpérialisme. Cette
lutte se mène sur des positions de classe et jamais sur les positions
du nationalisme arabe. Pendant l'été 1935, l'Étoile condamne l'agression
italienne de L'Éthiopie et refuse tout contact avec le Grand Muphti de
Jérusalem Hadj Amine el-Husseini qui, par haine du sionisme, ira à Berlin
proposer ses services à Hitler.
Quand en 1935, Messali se réfugie à Genève auprès de l'émir Arslan, il
se démarque nettement de lui sur la question syrienne. Messali demande
á l'Etoile de mener en commun avec les Syriens la lutte contre l'impérialisme
français et non pas pour une Syrie, pilier de la Nation arabe.
4. Contre l'antisémitisme en Algérie et en France
À Constantine, la capitale de l'Est algérien, les Juifs qui formaient
12 % de la population occupaient des positions importantes dans le commerce
de gros, les banques, les professions libérales, l'enseignement et la
fonction publique. Ils assurent aussi la fonction traditionnelle de prêteurs
et d'usuriers.
Dans les années trente, la crise économique frappe durement le monde rural,
avec des effets ravageurs dans le Constantinois. Endettés auprès des Caisses
Agricoles Régionales ou des prêteurs juifs, les paysans algériens doivent
céder á des prix très bas leur bétail et leurs terres á leurs créanciers
et ils refluent dans Constantine á la recherche d'un travail. Dans ce
contexte,
les troubles du Proche-Orient, la campagne lancée par la Ligue antisémite
en direction des Musulmans, au lendemain de la victoire d'Hitler, et les
manifestations de février 1934 ont créé un climat où les relations entre
Juifs et Arabes deviennent tendues. Il a suffi d'un incident pour que
des bagarres éclatent et dégénèrent en un pogrom (3-5 août 34).
Le bilan sera très lourd : 23 morts et 500 blessés chez les Juifs, 4 morts
et 72 blessés chez les Musulmans.
L'Étoile et le PCF s'étant rapprochés depuis 1934, Messali et André Ferrat
tiennent le 19 août, devant 3 500 immigrés algériens un meeting commun
dans la grande salle de la Grange aux Belles où « ils stigmatisent avec
force la provocation de l'impérialisme français, laquelle a engendré á
Constantine un drame sanglant »
À cette occasion, un pacte d'unité et d'action est signé entre l'Étoile,
le PCF, le Secours rouge et la ligue anti-impérialiste.
Lorsque le PCF change de ligne en 1936 et agit pour que le gouvernement
Blum interdise l'Étoile, pourtant adhérente au Front populaire, Messali
précise dans un article à ses amis socialistes, le combat qu'il a mené
contre l'antisémitisme.
« ..Nous n'avons jamais été antisémites, et pour preuves, nos relations
cordiales avec Bernard Lecache, chef de la LICA (Ligue internationale
contre l'antisémitisme).
En 1935, j'ai parlé dans un grand meeting à Clermont-Ferrand, organisé
par le Front populaire, en compagnie de Gabriel Cudenet et de Bernard
Lecache. Depuis ce jour, en rentrant á Paris, Bernard Lecache m'avait
invité à son bureau où il me promit de soutenir énergiquement nos revendications
au sein du Conseil national du Front populaire, tant il était satisfait
de notre collaboration et de nos sentiments. Au lendemain du 14 juillet
1936, Bernard Lecache qui a vu
combien notre cortége était important et discipliné, nous avait écrit
dans son journal, le Droit de vivre , un appel émouvant auquel j'ai répondu
chaleureusement. Lors de ma tournée de propagande en Algérie, où le fascisme
essaie par tous les moyens de soulever les Arabes contre les Juifs, j'ai
nettement et énergiquement combattu cette propagande en appelant nos frères
au
calme et á la fraternité des peuples et des races. » (11)
Le combat mené par Messali Hadj et l'Étoile puis par le PPA pendant Vichy,
contre le fascisme, le nazisme, l'impérialisme et l'antisémitisme reste
d'une actualité brûlante. Il montre que l'on peut lutter contre l'impérialisme
et l'antisémitisme, en restant sur les positions de l'internationalisme
prolétarien, sans jamais pactiser avec les islamistes radicaux qui poursuivent
le même combat que le grand Muphti de Jérusalem Hadj Amine el-Husseini,
l'allié d'Hitler.
Notes
(1) Auteur de nombreux délits financiers qui ont bénéficié d'une surprenante
immunité,Stavisky réussit à monter le Crédit Municipal de Bayonne et á
escroquer, à travers lui,plusieurs dizaines de millions. L'escroquerie
est découverte fin 1933 mais Stavisky échappe á un nouveau procès car
il est retrouvé mort dans un chalet de Chamonix.
(2) L'Action française, la Ligue monarchiste inspirée de Charles Maurras,
la Solidarité française, l'Union Nationale des Combattants, les Croix
de feu du colonel La Rocque, etc.
(3) Georges Lefranc « Histoire du Front populaire » (Payot, 1974, p.20.
(4) Messali Hadj, sympathisant communiste en 1924, a adhéré au PCF en
1926, sur les positions de la IIIe internationale, dans ses quatre premiers
congrès. Secrétaire général de l'Étoile à 28 ans et permanent du PCF,
il s'est démarqué en 1928 d'un parti devenu stalinien, mais il est resté
membre de sa cellule du XIe arrondissement jusqu'en 1933 et tous les Etoilistes
militaient à la CGTU. Messali Hadj qui avait suivi les cours de l'école
des cadres communistes
de Bobigny, par l'intermédiaire de Hadj Ali, connaissait parfaitement
les ouvrages de Lénine et en particulier le « Que faire ?» auquel il fait
souvent référence dans ses Mémoires.
(5) Jacques Simon. « L'Étoile Nord-Africaine (1926-1937) » L'Harmattan,
(Col. CREAC/HISTOIRE), 2002, 313p. _
(6) Messali Hadj « Mémoires », Cahier manuscrit n'10, pp.3036-3048.
(7) Daniel Guérin « Ci-git le colonialisme »; Mouton, 1973, p.14.
(8) Messali Hadj, Mémoires, Cahier N°10, p.3065.
(9) Roger Faligot et Rémi Kauffer. « Le croissant et la croix gammée.
Les secrets de l'alliance entre l'Islam et le nazisme d'Hitler à nos jours
» Albin Michel, 1990, pp.50-54.
(10) Jacques Simon « L'Étoile Nord-Africaine, op.-cit, pp. 157-160.
(11) Messali Hadj. La dissolution de l'Étoile Nord-Africaine in La Gauche
Révolutionnaire, n°15, 1 mars 1937, cité par Daniel Guerin; « Ci-git le
colonialisme »; pp.307-309.
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FIN DECEMBRE 2007
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À PROPOS D’UNE PETITION
Dans le Monde et repris dans El Watan, du 1/12, une pétition a été lancée,
signée par deux dirigeants algériens connus (Hocine Aït Ahmed, Abdelhamid
Mehri ) et des historiens (Benjamin Stora,Mohamed Harbi et Gilbert Meynier),
pour qui la révolution algérienne, ce ne fut pas l’entrée des masses sur
la scène de l’histoire pour abroger le régime colonial et émanciper les
populations opprimées, mais le seul fait du FLN/GPRA, parce qu’en se proclamant
seul détenteur de la légitimité du peuple algérien, il rendait caduc le
programme de l’Etoile Nord Africaine, du PPA et du MTLD,pour qui la Nation
algérienne serait proclamée, à l’exemple de la révolution française, à l’issue
d’élections libres de tous les habitants de l’Algérie (Européens, Juifs
et Musulmans) à une Assemblée Constituante.
Peu importe que les Etats et pétromonarchies arabes, le bloc afro asiatique,
l’impérialisme américain, Franco et le bloc communiste, aient soutenu le
FLN/GPRA. Le but à atteindre par le peuple algérien, nous dit-on, ce n’était
pas la révolution, la démocratie sociale et politique, le développement
des forces productives, l’unité des peuples du Maghreb et l’émancipation
des populations, mais l’Etat algérien, quelle que soit sa nature : démocratique
ou militaro policier avec l’Islam comme religion d’Etat.
La pétition a été lancée pour dépasser « le contentieux historique » entre
l’Algérie et la France.
Intention louable mais qui mérite examen.
Précisons qu’il n’existe pas de « contentieux » à régler devant le Tribunal
de l’Histoire, mais un problème franco-algérien, qu’il faudrait aborder,
selon moi, en s’inspirant des écrits de Karl Marx, Frédéric Engels, Rosa
Luxembourg, Lénine et Trostky, sur le colonialisme.
Pour Marx, Engels et Rosa Luxembourg, la formation et l’accumulation du
capital en Angleterre s’était effectué avec une brutalité inouïe, les fermiers,
les artisans, leurs femmes et leurs enfants, transformés en prolétaires
avaient été férocement exploités dans les bagnes industriels.
En s’élargissant en Inde, en Chine et en Afrique, le capitalisme a détruit
les sociétés indigènes et infligé d’immenses souffrances matérielles, sociales
et culturelles à leurs populations. Mais dans le même temps, pour réaliser
le maximum de plus value, la bourgeoisie, agissant comme une force révolutionnaire
(Cf.Marx-Engels : « Le Manifeste du parti communiste ») a introduit dans
ces pays le mode de production capitaliste qui a ruiné le mode de production
archaïque, générant le « despotisme oriental ».
Sur ces décombres, il a créé une armée de prolétaires, vendeurs de leur
force de travail, occasionnelle (chômeurs, possesseurs d’un lopin…) ou régulière
– la clochardisation invention de Germaine Tillion n’entre pas dans l’analyse
marxiste –.Ces prolétaires, en s’organisant dans des syndicats, des partis
ouvriers puis dans trois internationales, n’ont pas mené une lutte pour
exiger la repentance du capitalisme, mais combattu pour l’abroger et établir
le socialisme à l’échelle mondiale.
En Algérie, la conquête et la colonisation ont détruit la société algérienne
traditionnelle, fondée sur un mode de production archaïque et la propriété
collective et tribale des terres. Cela a entraîné des expropriations massives,
de lourdes contributions de guerre, des impôts, des discriminations, le
déni de ce peuple, de sa culture, de ses traditions et de sa religion, la
misère, le refoulement des populations vers les montagnes et le désert,
etc. Mais dans le même temps, l’introduction du capitalisme a créé, avec
la formation d’un prolétariat, sa propre négation.
Ce processus, amorcé sous le second empire et amplifié jusqu’en 1914 a donné
naissance à un prolétariat algérien introduit dès la fin du XIXème siècle
dans l’appareil de production moderne, surtout en France. Au lendemain de
la première guerre, des milliers d’Algériens passés par l’école des usines,
ont investi les usines et les chantiers en France. En s’organisant dans
la CGTU, dans le PCF, puis dans l’Etoile Nord Africaine, crée par le PCF
sur décision de la IIIè Internationale, ces travailleurs n’étaient ni des
clochards, des « bougnoules », des colonisés ou des indigènes de la République
mais des prolétaires membres de l’armée mondiale des prolétaires et d’une
Internationale, dont elle a adopté le programme et toutes ses valeurs.
C’est pendant ce processus, que Messali Hadj, permanent du PCF et secrétaire
général de l’Etoile Nord Africaine a prononcé à Bruxelles, en février 1927,
un discours qui est l’acte fondateur du nationalisme algérien.
Ainsi donc, la colonisation qui est fille du capitalisme (Marx) a développé
un double processus : la destruction de la société algérienne par la conquête
militaire et l’accumulation primitive en pillant le pays et en exploitant
la population (européens compris) mais elle a créé les conditions pour la
formation d’un prolétariat luttant pour se constituer en classe ouvrière,
ainsi qu’un mouvement national où la question de l’indépendance n’était
qu’un mot d’ordre transitoire dans un processus conduisant au socialisme
à l’échelle mondiale.
En Algérie, ce processus a été réalisé par l’Etoile Nord Africaine, le PPA,
le MNA et l’USTA. Ce mouvement national et syndical a été détruit par tous
les gouvernements français (De Léon Blum à De Gaulle) et par le FLN (Melouza,
massacre de la direction de l’USTA et de milliers de messalistes, toujours
considérés comme des traîtres). Le résultat, c’est la situation de l’Algérie
actuelle où le programme démocratique bourgeois (les libertés, l’Etat de
droit, l’indépendance du syndicat, la laïcité) n’est pas réalisé. Pire encore,
si l’on se réfère au Matin, du 2/12 qui se désole du projet de la construction
d’une Mosquée de 3 milliards de dollars et de s’interroger : « L’Algérie
sombre-t-elle dans l’islamisme light ? A la faveur de ce Ramadan 2007, plusieurs
indices confortent cette thèse d’une rupture entre le champ politique et
social, ce dernier étant fortement empreint d’une religiosité institutionnelle
qui semble épouser les courbes d’une société de plus en plus islamisée.[…]
La multiplication des preuves d’un glissement progressif vers un corps social
fortement islamisé, au sens salafiste du terme, produit un climat pesant
en Algérie. »
Il faut se féliciter que les signataires se démarquent de « la repentance
», cette exigence du FIS et du GIA, reprise par Bouteflika et que l’on trouve
maintenant dans tous les communiqués du GSPC, devenu Al-Quaïda au Pays du
Maghreb Islamique (cf. Mathieu Guidère. « Al-Quaïda à la conquête du Maghreb
», Ed.du Rocher, 2007).
Il est aussi heureux qu’ils considèrent que des « excuses officielles seraient
dérisoires ». Les peuples des pays du Commonwealth n’ont jamais demandé
à la reine d’Angleterre de se repentir, puisque c’est du système capitaliste,
bien installé maintenant dans tout le monde qu’il s’agit. Les marxistes
ont toujours combattu le capitalisme et l’impérialisme, mais sans faire
l’apologie des société fondées sur le mode de production asiatique et sans
dédouaner les régimes totalitaires des expays colonisés ! Quant à la conclusion
finale de la pétition, nous la considérons comme inacceptable « Nous demandons
donc aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître
publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les
traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie ».
Répétons avec Marx, Engels, Rosa Luxembourg et Lénine que la colonisation
a déstructuré, ravagé, détruit les sociétés fondées sur le mode de production
archaïque, et entraîné d’immenses souffrances,le capitalisme a jeté les
bases matérielles et sociales pour la formation d’une classe ouvrière en
Chine, aux Indes, en Afrique du Sud et en Algérie qui ont fait entrer ces
pays dans le XXème siècle.
« Dépasser le contentieux historique », c’est dire que l’Etoile Nord Africaine,
le PPA, le MTLD et le MNA, dont l’histoire sera écrite dans le cadre de
la Cité de l’immigration, n’ont pas demandé la repentance ou des excuses
à la France, mais qu’ils ont participé dans les rangs de la classe ouvrière
à tous les combats contre le capitalisme, le colonialisme, le fascisme et
l’antisémitisme en ouvrant la perspective d’un Commonwealth franco-africain,
formé de peuples libres et amis.
Disons enfin que l’USTA, dont je fus un cadre, en me définissant comme un
juif berbère, ce qui n’a gêné personne, s’est toujours réclamé, à la différence
de l’UGTA/ AGTA, rattachées au FLN, de l’internationalisme prolétarien.
Ecrire cette histoire, c’est cela dépasser « le contentieux historique »
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DEBUT DECEMBRE 2007
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La formation d’une Europe continentale possédant une économie, un marché
intérieur, une monnaie forte,avec une avancée dans le domaine des institutions,
d’une politique, d’une diplomatie et d’une défense unitaire,impose de repenser
les problèmes de l’espace méditerranéen.
L’échec du processus de Barcelone établit l’utopie d’une Grande Méditerranée
et le réalisme d’un Occident méditerranéen.
1. Réalité de l’Occident méditerranéen
●La géographie :
l’Afrique du Nord appartient plutôt à l’Europe qu’à l’Afrique. En effet,
entre Marsala en Sicile et Cap Bon en Tunisie, la Méditerranée n’est large
que de 156 km. Quant au détroit de Gibraltar, il apparaît comme le chenal
d’un fleuve à l’intérieur d’un seul et même pays. Si l’Europe pouvait être
délimitée par une frontière naturelle, ce serait incontestablement l’Atlas.
Fernand Braudel percevait déjà cette réalité dans ses courants d’échange,
les rythmes de navigation et les modes de vie.
Il convient donc d’insister davantage sur la méditerranéité de cette aire
que de la rattacher au continent africain ou au monde arabe.
● L’histoire :
Huit siècles durant, Carthage, installée en Afrique du Nord et en Espagne
a développé un syncrétisme punico berbère, imprégné de judaïsme. Vainqueur
de Carthage, Rome a englobé dans un même cadre géopolitique et culturel,
l’Italie, la Gaulle, l’Espagne et l’Afrique du Nord.2 La coupure
ultérieure de l’empire romain entre Occident et Orient a consacré l’existence
d’une histoire longue différenciée entre les deux parties de la Méditerranée.
La civilisation romaine qui a marqué l’Afrique du Nord, n’a pas procédé
par addition indéfinie d’éléments hétérogènes mais par une refondation permanente
de tout le système. La participation des élites berbères à l’administration
des cités explique la diffusion et la vitalité d’une civilisation qui perdure
dans les villes, après la chute de Rome, l’invasion vandale et la conquête
byzantine. La rupture n’intervient qu’avec l’invasion hilalienne au XIe
siècle, mais il convient de parler d’islamisation plutôt que d’arabisation,
car l’apport démographique arabe, modeste au Maghreb central est presque
nul au Maroc. Pendant les « siècles obscurs » qui suivent, le Maghreb berbère,
avec son prolongement africain et espagnol s’est construit en intégrant,
surtout dans les villes, l’acquis du millénaire punique puis romain. Cette
histoire, différenciée de celle du Moyen-Orient arabe lointain, et de l’empire
ottoman, est restée rattachée par l’Espagne musulmane à l’Europe, jusqu’en
1492, avec la chute du royaume de Grenade.
●La colonisation :
La conquête de l’Afrique du Nord par la France, l’installation de l’Espagne
dans le Rif et celle de l’Italie en Libye, ont refondé, dans un contexte
nouveau, l’ancien Occident romain. Il était alors normal que les mouvements
nationalistes algériens, tunisiens et marocains cherchent à mener ensemble
un combat libérateur. L’Étoile Nord-Africaine (ENA), fondée à Paris, l’exprime
déjà dans ses statuts de 1927 : « Toute l’activité de l’ENA doit tendre
vers l’unité du mouvement national révolutionnaire nord-africain ».
Malgré la formation du Néo-Destour en Tunisie, de l’Istiqlal au Maroc et
du PPA en Algérie,, la revendication maghrébine unitaire est toujours réaffirmée.
On la retrouve dans tous les textes programmatiques du PPA, du MTLD puis
du MNA, sous la forme d’un Commonwealth francoafricain. Après la seconde
guerre mondiale, les trois partis signent, en 1948, un pacte dans le cadre
du Comité de libération arabe du Caire. Suivent un Front d’unité et d’action
nord-africain en 1952 et un nouveau pacte unitaire en 1954.
Après 1954, le front maghrébin unitaire est brisé, quand la Tunisie et le
Maroc indépendants, se démarquent du MNA pour chercher à résoudre avec le
FLN le problème algérien dans un cadre nordafricain. C’est ainsi qu’en octobre
1956, la conférence franco nord-africaine, où un large accord existait a
été annulée après la capture de l’avion transportant les chefs du FLN3.
La Conférence de Tanger du 30 avril 1958 a proposé une même solution. C’est
enfin à Tunis que le Conseil national de la révolution (CNRA) puis le GPRA
s’installent. Mais la lutte ouverte entre le GPRA-l’ALN et l’armée des frontières
ont révélé que le programme du Front était antinomique avec celui de l’ENAPPA-MTLD
et que son but n’était pas la Constituante souveraine, le programme démocratique
et l’émancipation totale du peuple algérien et l’unité du Maghreb, mais
celui formulé au Congrès de la Soummam, à savoir un Etat de type totalitaire,
fondé sur un parti unique.
● Le Maghreb indépendant.
La crise de l’été 1962 a accéléré l’exode des Pieds-Noirs et de ce fait,
renforcé la dépendance de l’Algérie envers la France. Sur un arrière plan
de crise économique, de blocage du processus démocratique et de la sourde
rivalité entre le chef de l’Etat Ben Bella et Boumediene, chef de l’armée,
la guerre des sables au Sahara entre le Maroc et l’Algérie en 1963, créé
une fracture qui deviendra durable, entre les deux pays, depuis 1975, sur
la question du Sahara occidental. Malgré son ancienneté, la proximité géographique,
la langue, la religion, la culture, les liens historiques, le passage de
l’oléoduc algérien en direction de l’Espagne, l’appartenance des deux pays
à la Ligue arabe, à l’OUA, etc. Grand Maghreb Arabe (GMA) est un échec,
pour des raisons tant économiques que politiques. Mais à l’époque de la
mondialisation accélérée, l’intégration régionale est devenue un impératif,
d’autant que l’effondrement du mythe de la nation arabe a éloigné le Maghreb
du Proche Orient arabe et que l’existence d’une importante communauté nord-africaine
en Europe a revitalisé les relations économiques, humaines et culturelles
anciennes, dénaturées par la colonisation.
C’est dans ce contexte que prend forme le projet du Congrès mondial amazigh
d’unifier un Maghreb refondu sur le socle berbère, Tamazgha devenant elle-même
une composante active de l’Occident méditerranéen.
● La France et le pari méditerranéen
Depuis les années 1990 et plus encore depuis 2001, les Français sont préoccupés
par les effets de la mondialisation, le déclin de la France, l’insécurité,
l’immigration, l’identité nationale, la diffusion de l’islamisme radical
dans les quartiers sensibles et la tendance lourde à l’ « hyper terrorisme
». Il est ainsi admis par une large partie de l’opinion que ces questions,
étroitement liées entre elles, justifient la formation d’un ministère où
la question de l’immigration et de l’identité s’effectue dans le même temps
que la proposition faite par le président Sarkozy, de la formation d’un
ensemble euro méditerranéen.
La mondialisation a rétréci en effet la souveraineté des États, devenus
incapables de s’opposer aux délocalisations, aux restructurations, à la
déqualification du travail, au chômage et à l’invasion des produits venus
des pays émergents (Inde, Chine) où le coût social est très faible. Désastreuse
pour les PME/PMI qui forment la majorité des entreprises françaises, elle
menace de ruiner tout l’édifice de la protection sociale.
La crise en Côte d’Ivoire marque la fin de la « mission civilisatrice de
la France » en Afrique. En un demi siècle, les différents gouvernements
de Paris ont ruiné « l’Union Française » fondée par le général de Gaulle
à Brazzaville en 1944.4Après avoir été le « gendarme de l’Afrique », la
France cherche à se recycler en « gardien de la paix », mais de façon croissante,
les États-Unis et la Chine se substituent en Afrique à l’Europe, non pour
la développer, mais pour piller les matières premières dans les pays où
ils s’installent. C’est le cas de la politique chinoise au Darfour et en
Angola comme du projet américain du Grand Moyen Orient lancé en 2003, pour
qui la dimension militaire (en Egypte,Maroc, Algérie), les visées pétrolières
(Algérie, Libye, Arabie, Golfe) et la compétition avec la Chine sont manifestes.
Pour éviter la coupure avec le Sud, Bruxelles a impulsé le processus de
Barcelone qui visait à créer une zone de libre échange entre les pays de
la Méditerranée. Dix ans après son lancement en 1995, des progrès ont été
réalisés sur le plan diplomatique et commercial, mais l’ensemble est décevant.
Il était en effet naïf de croire que la seule unité géographique du monde
méditerranéen (Braudel) permettrait de désamorcer la poudrière du Proche
Orient et qu’on pouvait, par des réformes, démocratiser des régimes militaro
policiers fondés sur le parti unique, avec l’islam comme religion d’État.
Il n’en reste pas que, sous la pression d’une vague migratoire venue de
l’Afrique subsaharienne et les impératifs de la sécurité face à la menace
islamiste, la recherche d’une entente entre le Maghreb et les trois pays
latins de la rive Nord, apparaît plus réaliste que le boc hétérogène de
la mer Bleue.
Ecoutons le ministre espagnol Miguel Ange Moratinos : « Plus que jamais,
il faut qu’il y ait une complicité entre l’Espagne et le Maroc, entre la
France, l’Espagne et le Maroc et entre la France, l’Espagne, le Maroc et
le Maghreb. Il faut sortir de cette attitude de chasses gardées. La modernité
en Afrique du Nord exige que la France et l’Espagne se mettent d’accord
sur une politique vis-àvis du Maghreb. » (Le Figaro, 5 avril 2004).
En 2005, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso,
considérait que : « La ligne de démarcation entre la politique étrangère
et la politique interne s’atténue de jour en jour et que, par conséquent,
il y a des problèmes qui ne peuvent être résolus par un seul pays. Dans
ce contexte, la région méditerranéenne est une priorité absolue pour l’Europe,
aujourd’hui plus que jamais. Elle est au croisement des plus grands défis
: la paix, la sécurité et la lutte contre le terrorisme tout particulièrement,
mais aussi le développement, le respect des droits de l’homme, la protection
de l’environnement, l’éducation – principalement celle des femmes – ainsi
qu’une meilleure gestion de l’immigration. » (Le Figaro, 28 novembre 2005).
La tendance qui se manifeste, c’est que dans le même temps que l’Europe
se construit, l’idée de la formation d’un sous-ensemble, celui de l’Occident
méditerranéen apparaît indispensable à forger pour résoudre dans ce cadre,
une grande partie des problèmes communs qui s’y posent. Pour nous, la construction
de cet ensemble géopolitique incombe à deux acteurs principaux : l’Algérie
et la France.
●L’Algérie
Depuis 1962, et plus nettement avec Boumediene, l’État algérien a été structuré
sur l’armée des frontières, avec le FLN comme couverture civile. Après 1965,
l’Islam est devenu religion d’Etat et l’effondrement du modèle algérien
de développement, a ramené l’Algérie à la monoproduction des hydrocarbures
(98 % des exportations) et à une intégration dans le marché mondial dominé
par les Etats-Unis. La rente pétrolière a certes permis de créer les apparences
d’un développement économique mais sans croissance réelle ; la part des
exportations hors hydrocarbures de l’Algérie demeure toujours insignifiante.
La montée de l’islamisme radical a provoqué une guerre civile de dix ans,
faisant 200 000 morts environ. Elle a supprimé les faibles espaces de liberté
ouverts en 1988, renforcé le poids de l’armée dans la vie politique et entraîné
la fuite des cerveaux et la censure. Malgré la forte augmentation de la
rente pétrolière en 2006, Bouteflika s’est révélé incapable de développer
les forces productives et satisfaire les besoins de la population (l’éducation,
l’emploi, le logement, la santé, la sécurité, la laïcité de l’État, les
droits et les libertés démocratiques), ce qui a créé une situation sociale
explosive qui se conjugue avec la reprise des attentats islamistes.
De surcroît, la relation entre Paris et Alger, clé de voûte de la politique
arabe de la France a pris fin avec le départ de Chirac. Le refus par le
président Sarkozy de signer le traité d’amitié franco-algérien,met un point
final à la période ouverte par les Accords d’Evian, où l’ingérence de l’Algérie
dans la vie politique, les médias et l’université étaient manifestes.
La démographie galopante en Algérie, la crise sociale et la relance du terrorisme
par le GSPC affilié à Al Qaïda, combinée aux conséquences de la mondialisation
et au refus des pétromonarchies d’investir dans un pays à risque, font entrer
l’Algérie dans une impasse tragique. Force est de constater sur la base
de ce bilan que s’il existe une continuité entre le FLN et le PPA/MTLD,
elle est dialectique, la première étant la négation de la seconde. La solution
la plus positive consisterait à renouer avec le programme du vieux mouvement
nationaliste.
Créée au sein du PCF et s’inspirant du modèle de la révolution de 1789,
l’Etoile nord-africaine luttait en effet pour édifier une nation indépendante,
par l’élection au suffrage universel de tous les habitants de l’Algérie
(Européens, Juifs et Musulmans) à une Assemblée Constituante Souveraine.
Elle avait adhéré au Front populaire et mené dans les rangs de la classe
ouvrière, un combat pour la défense des libertés démocratiques en France,
une solution démocratique au problème algérien, la laïcité de l’Etat et
la lutte contre le fascisme et l’antisémitisme. Le PPA, le MTLD puis le
MNA avaient poursuivi ce combat, à l’opposé du FLN partisan de la restauration
de l’État algérien avec les principes islamiques (Déclaration du 1er novembre
1954).
Il faut donc commencer par rétablir toutes les libertés démocratiques, procéder
à l’élection d’une Assemblée constituante, abroger le régime militaro policier
et élaborer des institutions sur les principes de la démocratie. A une seconde
étape, le gouvernement élu par la Constituante effectuerait une démarche
en direction de Rabat, pour faire du couple algéro-marocain le moteur d’une
Afrique du Nord, intégrant la Tunisie et la Libye. Il serait alors possible
d’élire une instance supranationale pour regrouper dans un même cadre les
économies, les infrastructures, les institutions, les universités, la diplomatie,
la culture et la langue, le berbère devenant une langue commune officielle,
aux côtés de l’arabe, du français, de l’italien et de l’espagnol.
Cet ensemble étant composé de régions très diverses, l’Afrique
du Nord pourrait s’inspirer du modèle de l’Etat espagnol, accordant une
très large autonomie aux régions. Dans ce cadre, il sera possible de régler
la plupart des problèmes qui ne pouvaient trouver de solution dans le cadre
de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) créé par le traité de Marrakech du 17
février 1989. Il en est ainsi du problème du Sahara occidental qui empoisonne
les relations algéro-marocaines depuis 1975.
Le dégagement de l’Afrique du Nord berbère (Tamazgha) de la Ligue arabe,
comme de l’Organisation de la communauté islamique (OCI) marquera la rupture
avec l’Orient arabe et islamique. Il sera alors plus facile d’agir pour
faire aboutir la démocratie sociale et politique,émanciper la femme et satisfaire
les immenses besoins économiques, sociaux, politiques et culturels des populations
avec le développement de l’Afrique du Nord et du Sahara.
●La France
La première tâche sera d’en finir avec le passé colonial, avec l’écriture
d’une histoire sans repentance et sans aucun tabou par une commission comprenant
des historiens de Tamazgha, et des trois pays colonisateurs (France, Espagne,
Italie). Elle s’inspirera de la commission franco-allemande qui a permis
d’en finir avec le conflit meurtrier qui a saigné pendant trois guerres,
les deux peuples.
Sans chercher à établir une histoire officielle et définitive, il est possible
de créer des universités et des centres de recherches ouverts à tous les
étudiants, élaborer une base de données commune, des centres de formation
pour les enseignants et un conseil scientifique commun. Les moyens audio
visuels et informatiques en plein essor, la proximité des pays de cet ensemble
et l’emploi de langues et de modes de vie familiers, héritage de la période
coloniale, faciliteront la réalisation de cette entreprise. Ecriture honnête
de l’histoire mais aussi création de centres d’études et de recherches dans
tous les autres domaines de l’économie, des sciences et des techniques.
En liaison étroite avec l’Algérie, la France devrait, pour marquer sa rupture
avec le passé colonial, proposer la formation d’une Commission des 3+3 pour
dresser un état des lieux sur l’ensemble des problèmes et jeter les bases
d’un cadre politique commun. L’objectif visé est de parvenir, de façon progressive
et maîtrisée à la signature d’un traité, analogue au traité de Rome de 1957,
de fondation de l’Occident méditerranéen.
Compte tenu de son passé nord-africain et saharien, comme de sa place en
Europe et dans le monde, la France pourrait soumettre à la discussion quelques
propositions fondatrices de ce nouvel ensemble :
Propositions
Dans la perspective d’un ensemble structuré, on peut poser les premiers
jalons :
►Un organe financier commun, les revenus des hydrocarbures (Algérie
et Libye) n’étant plus évalués en dollars mais dans une monnaie euromed
spécifique et commune. Versés dans une Banque centrale gérée de façon paritaire,
elle serait à la disposition de l’organisme politique commun qui lancerait
un plan d’investissement et de développement de l’Afrique du Nord avec comme
objectif :
● l’irrigation du Sahara.
Le Sahara n’est absolument pas une terre morte. En fait, la neuvième partie
seulement de son sol est stérile.6 De nombreux vestiges du néolithique et
du paléolithique prouvent que les régions arides actuellement étaient jadis
habitées. Même à l’époque romaine, dans la région comprise entre le Niger
et l’Atlas, vivait une population assez dense. L’irrigation du Sahara est
très possible avec l’utilisation de l’eau du Congo et du Niger7, d’une part
et l’utilisation des techniques utilisées en plein désert, dans des pays
comme Israël.
● Le développement d’un réseau ferroviaire et routier (Agadir- Colomb
Béchar -Tunis) et transsaharien (Oran -Bou Arfa- Colomb Béchar -Bidon V-
Tombouctou- Gao- Dakar). Sa construction ne présente aucun problème, des
travaux sérieux ayant montré qu’une ligne de 3 500 kms pouvait être construite
sur un terrain solide et plat.
● Le développement industriel des confins algéro-marocains et algéro-tunisiens,
grâce à l’existence des ressources hydrauliques et minérales, de l’énergie
avec le charbon, le gaz et le pétrole saharien et l’énergie solaire, la
facilité des transports vers Oran, Agadir ou Casablanca, une population
nombreuse jeune et industrieuse, des villes importantes, etc.9
●l’aménagement du territoire Le déplacement des centres de l’agriculture
et de l’industrie vers les Hauts Plateaux, les confins,l’Atlas tellien et
saharien apportera de très grands changements. La réoccupation de l’intérieur
aujourd’hui largement abandonné, avec une désertification croissante, entraînera
un déplacement des populations qui se concentrent sur la côte avec tous
les problèmes posés par l’urbanisation sauvage (le logement, la santé, l’emploi,
la pollution), vers des espaces plus larges. Cette inversion des flux
migratoires, du Tell côtier en direction de l’Europe vers le Centre et le
Sud posera en termes la question de l’immigration. Non seulement, les nord-africains
resteront chez eux, mais de nombreux français issus de l’immigration seront
incités à rejoindre les pays de leurs parents, tout en gardant s’ils
le veulent la nationalité française, au lieu de mal vivre dans les banlieues
des grandes villes.
► Une réforme profonde de l’agriculture et de l’élevage pour nourrir
la population croissante,procurer des matières premières à l’industrie et
améliorer la balance commerciale par la diminution des importations de produits
agricoles. Il s’agira aussi de supprimer les trop grandes disparités
économiques et sociales entre les régions littorales aux riches cultures
d’exportation et les régions intérieures réduites aux cultures vivrières
et à l’élevage extensif. Un tel développement industriel et agricole, garanti
par le gaz et le pétrole saharien (Algérie, Libye), donnera aussi une impulsion
formidable à la création dans tous les domaines de centres de
formation et d’universités, de naissance de nouvelles villes et de réaménagement
du territoire au sud,et d’un ensemble économique, humain et culturel dont
le poids politique sera considérable.
► La mise en place de ce processus implique la création d’un passeport
commun, permettant la libre circulation des personnes dans cet espace, l’accès
au travail, à l’enseignement supérieur, etc. Il n’y aura pas de dissolution
de chaque nation dans l’Occident méditerranéen, mais l’existence d’une carte
verte permettra, de contrôler la circulation des individus dans cet espace,
de leur attribuer des droits sociaux, la gestion s’effectuant par des organismes
paritaires. A la différence des Etats-Unis qui cherchent à intégrer l’Afrique
du Nord et le Sahel dans une politique sécuritaire et de rivalité avec la
Chine, l’Occident méditerranéen rendra possible la formation
d’une politique de défense et de sécurité profitable à tous. Cela suppose
la mise sur pied d’écoles militaires, l’unification des matériels, et la
formation de forces militaires mixtes (elles existaient bien dans l’armée
d’Afrique), la France fournissant le parapluie atomique pour protéger l’ensemble.
Dans le contexte présent, où la mondialisation accélérée impose de repenser
les problèmes comme le développement, l’immigration, la sécurité, l’énergie
qui ne peuvent être réglés dans le cadre d’un seul Etat, nous proposons
une réflexion qui s’appuie sur les études faites à la commission économique
et sociale du syndicat algérien USTA pour fonder un Commonwealth franco-africain,
sur la masse des travaux effectués sur la communauté franco-africaine, l’Eurafrique,
l’OCRS et ceux, plus récents sur le processus de Barcelone. Notre objectif
est double : dépasser la fracture coloniale et avancer des propositions
pour la formation d’une Afrique du Nord berbère (Tamazgha) et dans la perspective
d’un
Occident méditerranéen.
Notes
1. Fernand Braudel. « La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque
de Philippe II. », A.Colin, 1966 ; Birot (P) et Dresh (P). « La Méditerranée
et le Moyen-Orient. I. La Méditerranée occidentale. 1953.
2. Louis Harmand. « L’Occident romain : Gaule-Espagne-Bretagne-Afrique du
Nord », Payot, 1960 ; Christophe Hugoniot. « Rome en Afrique. De la chute
de Carthage aux débuts de la conquête arabe » Flammarion (Champs Université).
3. P.V de l’interrogatoire d’Ahmed Ben Bella après son arrestation à Alger,
le 22 octobre 1956, in Philippe Bourdrel. « La dernière chance de l’Algérie
française », Albin Michel, 1996.
4. Glaser Antoine et Stephen Smith. « Comment la France a perdu l’Afrique
», Calmann-Lévy, 2005.
5. Michel Vauzelle. « Le dialogue euro méditerranéen après Barcelone : Bilan
et perspectives ». Assemblée nationale, 23 juin 1999.
6. Jean Despois –René Raynal. « Géographie de l’Afrique du Nord-Est », Payot,
1967 ; Capot Rey R. « L’Afrique blanche française, II, Le Sahara », 1953
; Jonchay (du). « L’industrialisation de l’Afrique » ; Hisnard (H). « Le
Maghreb », PUF, 1966.
7. Anton Zischka . « Afrique, complément de l’Europe, Laffont, 1952 (Cartes)
8. En plein milieu du désert du Néguev, des fermes aquacoles connaissent
un succès étonnant. Le Courrier international, n°847, 25 au 31 janvier 2007.
9. Marc-Robert Thomas. « Sahara et communauté », PUF, 1960.
______________________________________
OCTOBRE 2007
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> Algérie : non à
une histoire officielle !
Le président
a refusé de signer le traité de paix/repentance exigé
par Bouteflika et son islamiste premier ministre Abdelaziz Belkhadem,
car a-t-il dit : « nous navons pas exigé de lAllemagne
un traité de repentance pour construire ensemble lEurope
». Pendant la campagne électorale, le candidat maintenant
élu, sest engagé à réhabiliter les pieds-noirs
et les harkis et remettre à plat lhistoire de la guerre dAlgérie,
dans sa phase finale, (après la signature des accords d'Evian),
en écartant le projet de décret Mekachera dun travail
commun entre historiens français et algériens, piloté
par Benjamin Stora.
Cette position a scandalisé
Gilles Manceron, secrétaire de la Ligue de lEnseignement,
car :
« M.Sarkozy endosse
la vision nostalgique de la colonisation, des pieds-noirs extrémistes,
et fait ainsi resurgir larticle 4 de la loi du 23 février
sur les aspects positifs de la colonisation qui a pourtant suscité
une vive politique. »
Benjamin Stora est encore
plus indigné. Après un appel martial à la résistance
des intellectuels qui a fait tchoufa, il écrit dans Le Monde
du 21 avril :
« Cinquante ans plus
tard, écarter toute possibilité que des historiens français
et algériens puissent travailler ensemble, c'est soutenir qu'aucun
compromis n'est possible. On ne peut demander aux Algériens de
reconnaître leurs exactions alors que nous n'en reconnaissons
aucune dans notre histoire » car depuis 1984, il a ouvert la voie
d'un travail commun avec Mohammed Harbi.
Travail commun de deux
anciens apparatchiks, qui se sont employés à écrire
une histoire politiquement correcte de la guerre d'Algérie qui
a failli devenir officielle. C'est ce que révèle le général
Maurice Faivre qui dénonce dans lAlgérianiste de
juin 2007,
« le projet de décret
Mekachera, dans le cadre de la Fondation pour la mémoire de la
guerre d'Algérie et dans la perspective de la mémoire
partagée, créant une commission d'historiens pilotée
par Benjamin Stora avec quatre historiens algérien. »
Ainsi donc la polémique
lancée par un bataillon d'historiens engagés et d'idiots
utiles contre l'article 4 de la loi du 23 février n'avait pour
but que de faire valider par Jacques Chirac et Bouteflika, une histoire
officielle, celle que Stora-Harbi ont écrit ensemble, avec des
dignes représentants des universités algériennes,
dont le mérite est ignoré. C'est ainsi que selon le Quotidien
d'Oran du 6 juin
« Le classement 2007
des meilleures universités par l'Observatoire mondial des activités
scientifiques et académiques de l'Institut de l'Université
Jisao Tong de Shanghai (l à 7 000) classe l'Algérie à
la 6 995ème place sur les 7 000 dans le monde soit parmi les
5 derniers. En Afrique, nous sommes loin derrière la Tunisie
et le Maroc, avec l'université de Tlemcen qui fait exception,
arrivant à la 39ème place, Batna à la 48e et l'université
de Boumerdés 63è; Annaba, Alger, Sétif, Tizi-Ouzou,
Constantine, Oran, pourtant supposées fleurons de nos universités,
n'existant même pas. Cela explique en partie que, selon le rapport
de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement
de juin 2007, nous sommes classés, en termes d'efficacité
économique, reflet de la mauvaise gouvernance, le dernier au
Maghreb, derrière la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie.
»
Dans un autre numéro
du Quotidien d'Oran, (20/8/07), Mohammed Guetarni, professeur à
l'université de Chlef déplore « le naufrage de l'université
algérienne ».
Comment cela est-il possible
puisque depuis 1984, les écrits de Benjamin Stora, en français
et en arabe, sont très largement diffusés dans les médias
algériens et que ses livres sont considérés à
l'université - de Constantine par exemple - comme des ouvrages
de référence.
En annulant le projet
Mekachera, Sarkozy nous a rendu service. La tiers mondialisation de
l'université française n'aura pas lieu et l'histoire de
l'Algérie française et de la guerre d'Algérie seront
écrites plus sérieusement. On l'a échappé
belle !
Jacques Simon (historien)
8 octobre 2007
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SEPTEMBRE 2007
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> Il y a 50 ans /
Le massacre ignoré de
syndicalistes algériens (USTA) à Paris
Vérité et
justice pour Abdallah Filali, Ahmed Bekhat, Hocine Maroc et les militants
de la Fédération de France de l'Union syndicale des travailleurs
algériens (US'TA)
La cité de l'immigration,
en créant maintenant un espace démocratique, permet l'écriture
d'une histoire scientifique de l'émigration algérienne,
partie composante de l'histoire démographique, économique,
sociale, militaire, politique et culturelle de la France et donc de
la construction de son identité.
Le cinquantenaire du massacre
de la direction du syndicat algérien USTA en France par les tueurs
du FLN, en septembre-novembre 1957, offre une excellente occasion pour
faire connaître cette page noire de la guerre menée par
le FLN en France pour détruire le mouvement syndicaliste algérien,
préalable à l'instauration d'un régime militaro
policier en Algérie.
Précisons
:
Depuis la création
de l'Etoile Nord-Africaine en 1926, les travailleurs algériens
ont largement investi la CGTU puis la CGT. Ils ont participé
à toutes les grèves, manifestations et combats de la classe
ouvrière. Ils ont lutté pour les salaires et les droits
sociaux des travailleurs, la défense des libertés démocratiques
et contre le fascisme, le franquisme et l'impérialisme. En 1936,
lEtoile adhère au Front populaire mais refuse le projet
Blum-Viollette. L'Etoile interdite, le Parti du Peuple Algérien
(PPA) qui lui succède en mars 1937 mène le même
combat pour l'émancipation du peuple algérien en alliance
avec la classe ouvrière française.
Pendant la guerre, Messali
Hadj et la direction du parti refusent toute collaboration avec Vichy
et défendent avec Ferhat Abbas dans le cadre des Amis du Manifeste
et de la liberté (AML) le droit pour les Algériens d'élire
une Assemblée Constituante. Après la répression
sanglante de mai 1945 (Sétif et Guelma), le MTLD qui succède
au PPA reste fidèle à son programme et à l'alliance
avec la classe ouvrière française. Les travailleurs algériens
adhérent massivement à la CGT qu'ils ne quittent qu'en
février 1956 pour construire un syndicat algérien indépendant,
l'USTA. Après le vote des pouvoirs spéciaux le 11-mars
1956, la répression s'abat sur les principaux cadres de lUSTA.
Mais après la libération d'Abdallah Filali, l'un des principaux
dirigeants du nationalisme algérien, l'USTA se recompose. Elle
publie La Voix du Travailleur Algérien et organise pour le ler
mai des meetings et des rassemblements dans toutes les villes et régions
où l'immigration algérienne est implantée.
En juin 1957, l'USTA tient
son premier Congrès à Paris. Pendant trois jours, 325
délégués représentant plus de 25 000 adhérents
discuteront du rapport d'activité et d'orientation du secrétaire
général Ahmed Bekhat. Ils adopteront une série
de résolutions qui établissent que l'USTA était
bien un syndicat ouvert à tous les travailleurs (européens
et musulmans), démocratique et indépendant de tout Etat
et de tout parti. LUSTA se réclamait de l'internationalisme prolétarien
et proposait de mener avec la classe ouvrière de France un combat
commun contre la guerre et l'impérialisme. L'USTA se prononçait
pour une solution démocratique au problème algérien
(la Table ronde) et pour de profondes réformes de structures
de l'Algérie indépendante.
Soumise à une répression
permanente, l'USTA dut aussi affronter les commandos du FLN qui procédèrent
à l'automne 1957 à l'extermination de sa direction. Ce
massacre suscita stupeur et indignation chez tous ceux qui désapprouvaient
l'emploi de la violence pour régler les divergences d'opinion
entre organisations se réclamant de la classe ouvrière
et de la démocratie.
La Fédération
de l'Education Nationale, des intellectuels anticolonialistes (Daniel
Guérin, André Breton, Albert Camus. Edgar Morin), la Ligue
des Droits de l'Homme, Yves Déchezelles et une centaine de syndicalistes
de la CGT, CGT-FO. CFTC organisèrent au lendemain des obsèques
de Abdallah Filali et Ahmed Bekhat un « Comité pour la défense
des syndicalistes algériens ». Ce Comité dénoncera
la répression des forces de l'ordre contre l'USTA et l'action
des commandos du FLN.
Le refus de Nicolas Sarkozy
de signer le traité d'amitié, exigé par Abdelaziz
Bouteflika soutenu par la confrérie des Repentants, pour consolider
son régime, rejeté massivement par le peuple algérien,
est un fait majeur. Il ferme la parenthèse ouverte le 19 mars
1962, qui, avec la signature des Accords d'Evian, a créé
les conditions pour un exode massif des Français d'Algérie,
le massacre de milliers de harkis et l'avènement d'un régime
totalitaire avec l'Islam comme religion d'Etat.
Le Guide sur les sources
pour l'histoire de l'immigration en France, de 1830 à nos jours,
édité par la Bibliothèque nationale (BNF) constitue
un précieux outil de travail : il fournit la liste de plusieurs
collections de journaux, dont ceux de l'USTA comme ceux de l'Amicale
des travailleurs algériens (AGTA), subordonnée au FLN.
Elle va permettre aussi, comme je le souhaite, l'ouverture d'un débat
entre des historiens comme Benjamin Stora, Mohammed Harbi, Gilbert Meynier,
René Gallissot, etc, qui défendent les thèses du
FLN sur l'émigration comme sur la guerre d'Algérie et
moi-même, historien, auteur d'une thèse sur Messali Hadj
dont j'ai soutenu tous les combats du PPA, depuis 1950, puis ceux de
la fraction PPA du MTLD et du MNA, en Algérie et en France. En
mars-mai 1956, j'ai participé à la construction de la
Fédération de France de l'USTA, et rédigé
plusieurs articles de la Voix du Travailleur Algérien, dirigé
la Commission économique et sociale du syndicat et assuré
le secrétariat du 1er Congrès de l'USTA en juin 1957.
C'est avec satisfaction que j'ai noté que le Guide de la BNF
avait mentionné mes deux livres sur l'histoire longue de l'émigration
algérienne ainsi que trois de mes livres sur l'USTA.
Les historiens épris
de vérité ne pourront que soutenir l'ouverture d'un tel
débat et même si mes contradicteurs se dérobent,
comme c'est très probable, par crainte d'être confondus,
on ne pourra plus ignorer que c'est le FLN qui a lancé le terrorisme
en France, qu'il a massacré un millier de syndicalistes et qu'il
a pressuré et caporalisé l'émigration ouvrière
algérienne, avec la complicité du PCF.
Quant aux pétitionnaires
qui veulent jeter l'opprobre sur la Cité de l'immigration, ils
ne pourront pas, sans se discréditer, parler de l'histoire de
l'immigration sans condamner le massacre de toute la direction de l'USTA,
comme l'ont fait Daniel Guérin, Albert Camus, André Breton,
Edgar Morin, Yves Déchezelles et la Fédération
de l'Education nationale, restés fidèles aux valeurs du
mouvement ouvrier.
Jacques Simon
25 septembre 2007
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JUIN 2007
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>Une invention : la guerre
des mémoires
Le 23 mai 2006, le conseil
municipal de Perpignan a voté la réalisation dun
Centre de documentation sur la présence française en Algérie.
La décision prise par une municipalité de créer
un tel centre, dont le contrôle public interdit la propagande,
est une incitation à la création dautres centres
comme lhistoire du syndicalisme algérien en France,
de la participation des étrangers à la défense
de la France, à son histoire économique, sociale et culturelle,
sportive, etc.
Cette activité
sinscrit dans la démarche de la recherche de lidentité
française, du mode de fabrication de la France, du « creuset
» français dont parle Gérard Noiriel
A ce sujet
signalons deux outils de travail dune grande qualité :
« Les étrangers en France : Le Guide des sources darchives
publiques et privées, XIXè-XXè siècles »
en 3 volumes (Génériques-Archives de France, 1999) et
le guide « Des sources pour lhistoire de limmigration
en France, de 1830 à nos jours », Bibliothèque nationale
de France, 2006.
Il convient de noter que
ces centres dintérêt public, vont alimenter lactivité
de la Cité de limmigration, elle même placée
sous la tutelle du « Ministère de limmigration, intégration,
identité nationale et codéveloppement. » comme les
universités, Normale Sup. ou le CNRS sont placés sous
la tutelle du Ministère de lEducation Nationale.
Ces précisions
faites, on ne peut que sinterroger sur lintention formulée
dans un document rédigé par Eric Savarèse : «
Rapport de recherche sur le projet de réalisation, à Perpignan,
dun site public de documentation et dexposition sur lAlgérie
: en finir avec les guerres de mémoires algériennes en
France ? » Pourquoi dénaturer la création de ce centre
et vouloir en faire un lieu de pacification des mémoires concurrentes,
pure invention des historiens engagés pour défendre le
traité de paix, exigé par Bouteflika et maintenant enterré
?
Eric Savarèse défend
les thèses quil a développé dans ses ouvrages,
en particulier : « Linvention des Pieds-Noirs », Séguier,
2002 en continuité avec lessai de Benjamin Stora : «
La gangrène et loubli. La mémoire de la guerre dAlgérie
», La Découverte1992. Ce fameux livre peut être considéré
comme le Manifeste de lobscurantisme sur la guerre dAlgérie,
dans la mesure où Stora a déplacé la recherche
du champ de lhistoire vers celui des mémoires avant dinventer
celui de la guerre des mémoires.
Quand on parle de guerre
des mémoires, de quoi sagit-il ? De celles des harkis (collabos),
des Pieds-Noirs (OAS), des messalistes (traîtres), diabolisés,
reléguées dans lenfer de lopprobre et expulsés
des manuels scolaires, la seule résistance admise étant
celle du FLN. Ces minorités opprimées et réfugiées
en France ne sont pas en guerre mais elles réclament simplement
justice et vérité. Leur histoire devenue une composante
de lidentité française trouvera naturellement sa
place dans la Cité de limmigration.
Le rapport de Savarèse,
prétentieux et quelque peu obscur mérite cependant la
critique sur plusieurs points.
> « le terme de
guerre dindépendance, cest à dire de guerre
pour obtenir lindépendance, peut être choisi pour
dépassionner le récit »
Réponse. Pas daccord.
On parlera plutôt de révolution, cest-à-dire
lentrée des masses algériennes sur la scène
de lhistoire pour détruire le système colonial et
changer leur destin. Le mouvement national algérien (LEtoile
Nord-Africaine, le PPA, le MTLD et le MNA) ont toujours lutté
pour abroger le colonialisme et édifier la nation algérienne
par des élections libres de tous les habitants de lAlgérie
(Européens, Juifs et Musulmans), dans un processus menant à
lunité des peuples dAfrique du Nord et à la
formation dun Commonwealth franco-africain, en liaison avec la
classe ouvrière et le peuple français ami. Cest
le FLN qui voulait construire un Etat algérien fondé sur
le parti unique et qui parle de « guerre de libération nationale
» pour posséder une légitimité. Parler de
révolution, cest aussi considérer que le massacre
de Melouza, dun millier de cadres et militants syndicalistes algériens
de lUSTA, et lécrasement des wilayas de lintérieur
par larmée des frontières constitue une contre révolution.
> Le Rapport propose
une périodisation de lhistoire de lAlgérie
française en trois moments :
« cest à
dire en premier lieu celle qui sétend de 1830 à
1871, soit le temps de la conquête et de ladministration
militaire du territoire (période 1), en second lieu celle du
temps « pacifié » de lAlgérie française
(période 2, entre 1871 et 1945), enfin celle comprise entre 1945
et 1962, qui englobe la marche à la guerre, le conflit et laccession
à lindépendance. »
R : Ce découpage
qui sinspire de lhistoire officielle algérienne nest
pas pertinent. Pour Karl Marx, Frederic Engels, Rosa Luxembourg qui
ont étudié la formation et laccumulation du capital
et la colonisation, la conquête de lAlgérie, de lInde
et de la Chine furent des entreprises très meurtrières
et ils ont dénoncé la violence employée pour piller
les territoires, asservir les populations et les réduire à
la misère. Ils ont expliqué que laccumulation du
capital en Angleterre sétait effectué avec une brutalité
inouïe, les fermiers, leurs femmes et leurs enfants, transformés
en prolétaires avaient été férocement exploités
dans les bagnes industriels. Mais, en détruisant le mode de production
archaïque sur lequel reposait la société tribale,
le capitalisme a engendré avec le prolétariat sa propre
négation. Il est significatif que lEtoile Nord-Africaine,
ait été fondée en France au sein de lémigration
ouvrière par le PCF sur décision du Comintern et que tous
les Etoilistes étaient membres de la CGTU.
Donc deux processus :
celui de la destruction de la société algérienne
par la conquête militaire et la formation du capitalisme avec
un prolétariat luttant pour se constituer en classe ouvrière
et sorganisant dans un mouvement national fondé sur les
principes de linternationalisme prolétarien et pour son
émancipation totale, la question nationale nétant
quune étape et non pas la finalité dans ce processus.
> On ne peut quêtre
inquiets de voir Eric Savarèse et son équipe se transformer
en casques bleus pour mettre fin aux guerres des mémoires et
proposer « la formation dun « conseil scientifique,
avec à sa tête un professeur réputé pour
ses compétences scientifiques, et dautres universitaires
[
] Cest ledit conseil qui concentre lessentiel
des pouvoirs de décisions, même sil nest pas
le seul architecte ou maître d½uvre du projet. »
Daprès la
philosophie du Rapport, « le professeur réputé »
ne sera pas sélectionné parmi les historiens qui veulent
écrire lhistoire des masses algériennes partant
à lassaut du ciel pour devenir des hommes libres. Parmi
ces combattants de la liberté, il y avait des hommes comme Albert
Camus qui a dénoncé les attentats aveugles commis par
les tueurs du FLN contre la population civile ainsi que les crimes du
FLN contre la direction de lUSTA dont il était lami.
Proposons à Eric
Savarèse et aux historiens, partisans de lécriture
dune histoire scientifique de la guerre dAlgérie,
de célébrer le cinquantenaire du 1er Congrès de
lUSTA tenu à Paris (28-30 juin 1957). Je peux les y aider
puisque jen ai assuré le secrétariat et ils peuvent
lire mon livre publié chez lHarmattan et référencé
dans le guide de la Bibliothèque Nationale.
Cessons de se battre contre
les moulins à vent de la guerre des mémoires. Acceptons
lenterrement du traité de paix, tant désiré
par Bouteflika pour que lhistoire mixte franco-algérienne
soit politiquement correcte. Revenons avec tous les historiens, chercheurs
et acteurs à un débat scientifique sur cette période
Le centre de Perpignan
est selon nous, un excellent cadre à cet effet.
Jacques Simon le 14 juin
2007
___________________________________________
MAI 2007
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> Lisons encore Albert
Camus
Texte cité au procès
du général Jouhaud.
Il faut cesser aussi de
porter condamnation en bloc sur les Français d'Algérie.
Une certaine opinion métropolitaine doit être rappelée
à la décence. Lorsqu'un partisan français du F.L.N.
ose écrire que les Français d'Algérie ont toujours
considéré la France comme une prostituée à
exploiter, il faut rappeler à cet irresponsable qu'il parle d'hommes
dont les grands-parents, par exemple, ont optée pour la France
en 1871 et quitté leur terre d'Alsace pour l'Algérie,
dont les pères sont morts en masse dans lest de la France
en 1914 et qui, eux-mêmes, mobilisés dans la dernière
guerre n'ont cessé, avec des centaines de mille Musulmans de
se battre sur tous les fronts pour cette prostituée.
Apres cela on peut sans
doute les juger comme des naïfs, il est difficile de les traiter
de souteneurs. Je résume ici l'histoire des hommes de ma famille
qui, de surcroît, étant pauvres et sans haine, nont
jamais exploité ni opprimé personne.
Mais les trois quarts
des Français d'Algérie leur ressemblent, et à condition
qu'on leur fournisse des raisons plutôt que des insultes, sont
prêts à admettre la nécessité dun ordre
plus juste et plus libre. Il y a eu sans doute des exploiteurs en Algérie,
mais plutôt moins qu'en métropole et le premier bénéficiaire
du système colonial est la nation française tout entière.
-
Si certains Français
considèrent que par ses entreprises coloniales, la France, et
elle seule au milieu des nations simples et pures est en état
de péché historique, ils nont pas à designer
les Français d'Algérie comme victimes expiatoires : crevez,
vous l'avez bien mérité. Ils doivent s'offrir eux-mêmes
à l'expiration.
>Jean Daniel : lanti-Camus
Le 13 mai 2007, Jean Daniel,
écrivain, journaliste et directeur du Nouvel observateur a présenté
à la Bibliothèque nationale dAlger son dernier ouvrage
: « Comment résister à lair du temps ».
Jean Daniel a proposé
quelques clés pour souligner et justifier « lalgérianité
» dAlbert Camus : sa condition sociale très modeste,
son refus du totalitarisme, la découverte du pouvoir de lécriture.
Il a souligné par ailleurs une philosophie de la vie empreinte
de « cette force créatrice, même quand on ne lui trouve
pas de sens, surtout parce quelle produit la beauté et
qui ne peut naître que dans labsurde ».
Face à la guerre
dAlgérie, Camus considérait, selon Daniel, quaucune
cause si juste soit-elle ne justifiait la violence. Interprétation
douteuse, car Camus, partisan de lémancipation totale du
peuple algérien, ne condamnait que le terrorisme aveugle du FLN.
A propos de sa rupture
avec les intellectuels français partisans du FLN, la cause serait
selon Daniel « parce quil se considérait profondément
comme un Algérien pauvre, qui ne devait rien à lintelligentsia
parisienne ».
Sûrement pas, car
Camus avait établi des relations suivies avec les surréalistes,
les internationalistes et des poètes comme René Char et
il sopposait avec vigueur aux staliniens à Jean-Paul Sartre
et au lobby parisien du FLN (Express, Témoignage Chrétien,
France Observateur, le Monde) dont Jean Daniel était un membre
actif.
Jai eu loccasion
de rencontrer A.Camus au siège de LUnion Syndicale des
Travailleurs Algériens (USTA), rue de Paradis, au lendemain de
son premier congrès (juin 1957) dont jai assuré
le secrétariat.
Albert camus connaissait
la tragédie de Mélouza et les méthodes de terreur
employées par le FLN pour exterminer le messalistes. Il avait
fait la différence entre le MNA qui combattait pour une Constituante
et considérait les Juifs et les Européens comme des compatriotes
et le FLN qui luttait pour la restauration de lEtat algérien
en le fondant sur les principes islamiques. Il dénoncera par
la suite le massacre des syndicalistes de lUSTA par les tueurs
du FLN.
Mais pourquoi ce voyage
à Alger, au lendemain de la victoire Nicolas Sarkozy et en pleine
campagne des élections algériennes ? la réponse
est claire : apporter son soutien à Bouteflika dont le pouvoir
est vacillant. Cela apparaît à la lecture dun passage
de son éditorial du 24/5 intitulé : « Vérités
algériennes ».
- lénorme
rente pétrolière aurait servi « à de belles
réalisations, comme le nouvel aéroport dAlger
» Mais pas à créer un centre hospitalier de grande
classe. Cest ainsi que selon Le Point du 24 mai, Bouteflika est
venu, secrètement au Val de Grâce, à la fin 2006
et au mois de mars 2007.
- La corruption ne serait
pas le fait de Bouteflika mais de certains membres de son entourage.
- « cet homme au
parcours remarquable, qui avait puisé une large vision internationale
dans une longue traversée du désert est arrivé
au pouvoir
». Mohamed Bentichou a démontré
le contraire dans un livre remarquable : « Bouteflika : une imposture
algérienne ». Pour lui le chef de lEtat est un noceur,
sans culture, sans envergure, intrigant et capricieux. Il serait : «
lenfant adultérin dun système grabataire et
dune démocratie violée ». Page 13
- « Bouteflika a
gagné sa légitimité en faisant approuver par référendum
une politique de réconciliation qui simposait après
des années dune guerre civile soldée par 200 000
morts ». Cette approbation de l »amnistie accordée
aux terroristes a été vivement critiquée par des
journaux comme « Le Soir dAlgérie ».
Et ce coup de brosse à
reluire final
« En tout cas, aujourdhui,
le président sest mis en tête de promouvoir des réformes
spectaculaires. On ne voit pas, pour le moment, dautre leader
qui pourrait incarner le salut de lAlgérie ».
Albert camus aurait parlé
délections libres à une Assemblée Constituante
comme solution à la crise institutionnelle actuelle de lAlgérie.
Ce nest pas que
la vieillesse qui est un naufrage pour Jean Daniel !
Jacques Simon
30 Mai 2007
____________________________________________
> Immigration et identité
: une polémique sans objet
Pendant la campagne des
présidentielles, lannonce par le candidat Sarkozy de la
formation dun «Ministère de limmigration et
de lidentité nationale » avait provoqué une
polémique, vite calmée après la parution dun
sondage, le 16 mars, faisant état de lapprobation de cette
proposition par une large opinion. Nicolas Sarkozy victorieux, la polémique
a été relancée. Le jour même de lannonce
de la création dun ministère de « limmigration,
de lintégration, de lidentité et du codéveloppement
», huit historiens et démographes ayant participé
au projet de la Cité nationale de limmigration démissionnent
de leurs fonctions de linstitution, alors même que la Cité
doit ouvrir ses portes cet été.
A la lecture du communiqué
des démissionnaires, on se frotte les yeux. Nulle part, il a
été dit ou écrit que la Cité de limmigration
sera rattachée à ce Ministère qui serait, de surcroît
chargé décrire une histoire officielle de la France.
Pourquoi faire un procès
en sélectionnant Immigration et Identité, sans parler
de lintégration et du codéveloppement ? Ny
aurait-il aucun lien entre ces questions ? On peut au moins poser la
question. Est-il par ailleurs bien sérieux de « saluer le
remarquable travail effectué depuis plus de trois ans par Jacques
Toubon et son équipe. Nous avons pu y être associés
dans un esprit de liberté intellectuelle et dindépendance
» et abandonner ses responsabilités, tout en restant en
embuscade dans la Cité ? Nétait-il pas plus efficace
de faire des propositions constructives ou alternatives quand les textes
supposés de lintégration de la Cité dans
le Ministère seront publiés ?
Labandon du traité
de paix franco-algérien par Nicolas Sarkozy et Bouteflika clarifie
pourtant la situation. En effet, dès lors que lhistoire
de lAlgérie française, incluant la guerre, ne sera
plus écrite majoritairement par une équipe dhistoriens,
sous influence du FLN, celle de limmigration algérienne,
en particulier depuis la fin du XIXè siècle, quand elle
devient ouvrière, structurelle et insérée dans
lappareil de production et la société française,
devient alors une composante de lhistoire de France.
Dans un livre « Limmigration
algérienne en France, des origines à lindépendance
», Paris/Méditerranée, 2000, nous avons montré
que si lEtoile Nord-Africaine avait fondé le nationalisme
algérien en 1927, la participation des Etoilistes à la
vie économique et à la lutte des classes (grèves,
manifestations, action syndicale) relevait de lhistoire du mouvement
social en France.
Après 1962, lhistoire
des deux pays nest plus la même, et il est abusif de rattacher
limmigration et ses descendants à lhistoire de lAlgérie.
Il faut regretter la démission
des Huit historiens et se satisfaire de leur maintien dans la Cité.
Ayant manifesté un sens aigu de lindépendance, de
la démocratie et de lobjectivité, ils ne peuvent
que sintéresser à limmigration algérienne,
tant négligée dans leurs travaux. Il en est ainsi des
livres de
? Patrick Weil : «
La France et ses étrangers. Laventure dune politique
de limmigration, 1938-1991 », Calman-Lévy, 1991 ;
? Gérard Noiriel,
quil sagisse du « Creuset français. Histoire
de limmigration XIX-XXè siècle », Le Seuil,
Points/Histoire, 1988 ; « Les ouvriers dans la société
française. XIX-XXè siècle », Le Seuil, Points/Histoire,
1986 ; « Réfugiés et sans papiers. La République
face au droit dasile, XIX-XXè siècle, », Pluriel,
1998. Dommage car Gérard Noiriel avait montré dans son
excellent livre : « Longwy, immigrés et prolétaires,
1880-1980 », PUF, 1984, comment la taylorisation du travail avait
permis linsertion des travailleurs immigrés dans le procès
de production.
?Vincent Viet : «
La France immigrée. Construction dune politique, 1914-1997
», Fayard, 1998. Un bref chapitre est consacré à
la guerre dAlgérie en métropole, mais rien sur le
syndicalisme algérien.
Ayant participé
à la création de la Fédération de France
de lUnion syndicale des travailleurs algériens (USTA) en
mars 1956, écrit régulièrement dans son organe
« La Voix du travailleur algérien » et assuré
le secrétariat à son 1er Congrès en juin 1957,
je suis disposé à raconter cette histoire dont jai
publié quatre volumes, à nos historiens, très soucieux
de vérité et dindépendance.
Il ne fait aucun doute
que lécriture en commun dune telle histoire, dans
le respect de la diversité des opinions, dès lors quelles
sont fondées, ne manquera pas dintéresser un large
public et faire de la Cité de limmigration un centre culturel
de grande qualité.
Evitons la polémique
et la grande peur du loup, surtout quand il nexiste pas !
25 mai 2007
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> ALGERIE : REQUIEM
POUR UN TRAITE
Le mois de mai na
jamais été propice pour aborder sereinement les relations
franco-algériennes, en particulier quand une crise sociale et
politique ébranle le régime politique algérien.
En mars 2003, lors dune
visite triomphale en Algérie, Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika
ont signé une déclaration affirmant que « les deux
pays sont convenus, sans oublier le passé, de jeter les bases
dune relation globale forte, confiante et résolument tournée
vers lavenir. » Mais très vite, il est apparu que
pour le président algérien, lintention nétait
pas de créer les conditions dune refondation des relations
franco-algériennes. Il sagissait plutôt dobtenir
de Chirac la mise en place dune commission dhistoriens à
léchine souple pour écrire une histoire de lAlgérie
française, de 1830 à 1962, pilotée par un dignitaire
du FLN.
Cachant avec cette feuille
de vigne la nudité de son régime, le Raïs cherchait
à redonner une légitimité à son régime,
massivement rejeté par la population, encore aux élections
législatives de mai 2007. Il voulait aussi, en stigmatisant la
colonisation, rendre la France responsable de la situation économique,
sociale et politique catastrophique, malgré les revenus considérables
des hydrocarbures, héritage « positif », jamais avoué
du colonialisme. La dénonciation régulière et hystérique
de Hizb França (le parti de la France) intervient dailleurs
à chaque fois que la marmite algérienne menace dexploser.
En exigeant la repentance de la France, Bouteflika escomptait enfin
obtenir des avantages matériels, politiques et moraux importants
pour garder le contrôle du pays.
En visite à Alger
le 13 juillet 2004, le ministre français des Affaires étrangères,
Michel Barnier avait affirmé que la France était «
mobilisée » pour relancer le partenariat avec lAlgérie
afin de conclure en 2005 un traité damitié couvrant
tous les domaines de la coopération. Le 8 mai 2005, dans une
interview à El Watan, il précisait que, le 21 juillet
2004, un conseil interministériel présidé par Jacques
Chirac, avait adopté un programme de travail pour le développement
dun « partenariat dexception » entre les deux
pays. Il reprenait par ailleurs, les propos tenus par lambassadeur
de France en Algérie, le 26 février à Sétif,
disant que cette ville fut le lieu dune « tragédie
inexcusable ».
Pour Alger, il était
désormais entendu que la repentance de la France était
un préalable à la signature du traité de paix.
On assiste alors à la montée au front dun bataillon
d historiens, ignorant de lhistoire réelle algérienne,
mais disposant de larges moyens pour saturer le champ des médias
et de lédition avec leurs écrits sur « la fracture
coloniale » et « les crimes de la colonisation ». Prenant
appui sur cette nouvelle génération de porteurs de valises,
de flagellants et de chaouchs, Bouteflika sautorise à dire
à Sétif, le 8 mai 2005 :
« Qui ne se souvient
des fours de la honte installés par loccupant. Ces fours
étaient identiques aux fours crématoires nazis [
]
De telles pratiques se sont multipliées pendant la seconde moitié
du XIXè siècle, visant à imposer son diktat à
Paris. Sans oublier les affres endurées par la population durant
la guerre de libération, lennemi ayant perfectionné
ses moyens de torture, dextermination et de destruction, faisant
de lAlgérie un gigantesque camp de la mort et de la torture
ceint de fils de fer barbelés et de champs de mines. »
Hélas, Bouteflika
tombe malade ! Il apparaît alors que si la rente pétrolière
a servi à engraisser la « mafia des généraux
» et la caste des prébendiers du régime comme à
construire des milliers de mosquées, le secteur de la santé
est particulièrement déficient. Cest dans ce contexte
que le président sest fait hospitaliser dans le plus grand
secret, le 26 novembre 2005, à lhôpital militaire
du Val-de-Grâce à Paris. Trois semaines plus tard, le professeur
Bernard Debré ayant révélé que la maladie
du président était grave, laffaire est devenue politique.
On fit alors appel à Benjamin Stora, pour rassurer lAlgérie
et son immigration.
« A ma connaissance
», déclare cet expert, très familier des arcanes
de la Régence dAlger, Bouteflika na pas de dauphin
» et il ny aura pas de vacance de pouvoir, car en cas de
disparition du chef de lEtat, la constitution
« prévoit
son remplacement par le président de lAssemblée
nationale pour une période de transition, le temps dorganiser
les élections. Et il ne faut pas oublier quil y a un premier
ministre, qui continue de travailler, un gouvernement qui continue de
siéger. En gros, même si les institutions sont en partie
paralysées, le pouvoir continue de sexercer. » Le
Parisien du 16/12/2005.
Pas de panique donc :
le régime algérien nest pas dictatorial, comme la
dit Aït Ahmed ou Mohamed Benchicou mais « présidentiel
», son Assemblée nationale est démocratique et son
gouvernement travaille.
Benjamin Stora a délivré
un bulletin de santé rassurant de Bouteflika, parce quil
milite activement pour la signature du traité franco-algérien,
exigé par Bouteflika. Elle lui permettra de rester un consultant
privilégié du parti socialiste (secrétaire dEtat
de Jack Lang si Ségolène Royal gagnait) et dêtre
incontournable pour diriger avec son ami Mohammed Harbi, lécriture
dune histoire politiquement correcte franco-algérienne.
Cette entreprise commencée de longue date a connu une avancée
avec la publication dun épais livre quils ont dirigé
: « La guerre dAlgérie, 1954-2004, la fin dune
amnésie », Laffont, 2004. Un autre développement
est intervenu avec la formation dun collectif dhistoriens
opposé à la loi du 23 février 2005, notamment en
son article 4, édictant que « les programmes scolaires reconnaissent
en particulier le rôle positif de la présence française
outre-mer, notamment en Afrique du Nord. »
Ce collectif a déclaré
vouloir écrire « une histoire critique et citoyenne, au
delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire
». Dans ce but, il a décidé de tenir un colloque
de trois jours (7,8,9 juin 2006) à Lyon, regroupant 136 intervenants,
traitant des questions les plus diverses, en évitant toutefois
de parler de lEtoile Nord-Africaine, du PPA, du MTLD et du MNA
créés et dirigés par Messali Hadj, inlassablement
discrédité par Stora. Pouvait-il en être autrement
puis le colloque, présidé par M.Harbi, voulait constituer
« une pierre scientifique pour aboutir à la signature du
traité franco-algérien ».
Au final, daprès
lintitulé des contributions, une petit caillou « scientifique
» où lhistoire de la révolution algérienne
est confondue avec celle du FLN, ce qui relativise le massacre de Melouza,
le terrorisme de Yacef Saadi, impulsé par Abane Ramdane, la «
nuit rouge » et la « bleuite » dAmirouche et le
massacre en France, dun millier de syndicalistes algériens
de lUSTA par les tueurs du FLN.
Pendant la campagne électorale,
Hollande accompagné de Benjamin Stora, a déclaré
à Alger que les socialistes ne trouvent « aucun caractère
positif à la colonisation ». Peu après, Jack Lang
en visite à Alger, avec Stora, conviendra que « La meilleure
façon de sexcuser est de reconnaître la réalité
des crimes qui ont été commis par la colonisation en Algérie
de 1830 à 1962. » Il ajoutera que le parti socialiste sengagera,
si sa candidate était élue, à signer le traité
de paix exigé par Bouteflika.
Nicolas Sarkozy adoptera
une position opposée : les accords dEvian, jamais appliqués,
nont pas mis fin à la guerre dAlgérie, puisque
la tragédie des harkis et des pieds-noirs sétalera
du 19 mars au 5 juillet 1962 ; aucun traité de paix sera signé
avec lAlgérie car jamais la France navait demandé
à lAllemagne de se repentir avant la signature du traité
damitié franco-allemand en 1963 ; justice sera rendue aux
harkis et aux Pieds-Noirs, et lécriture de lhistoire
de France, y compris de sa page algérienne, ne sera pas partisane.
Il sera enfin créé un Ministère de « limmigration,
de lintégration, de lidentité nationale et
du codéveloppement. »
Sétranglant
de rage, Benjamin Stora, inspiré sans doute par le discours du
général de Gaulle du 18 juin 1940, à lancé
dans le Nouvel Observateur du 15-21 février 2007, un Appel martial
à la résistance contre loppression. « Intellos
de gauche, debout ! » lance t-il car
« la machine Berlusconi
est en marche. Même la presse de gauche se montre compréhensive.
Acceptera t-on de voir « les Guignols » devenir le dernier
bastion où lon peut critiquer Sarkozy ? Sil devait
passer, on entrerait dans une tout autre histoire. Chacun retournerait
à ses affaires privées, leffet démoralisateur
serait terrible »
Sabre (de bois) au clair,
Benjamin Stora sest engagé dans une croisade anti-Sarkozy,
en y intégrant le Colloque de « la fondation algérienne
du 8 mai 1945 », spécialisé dans la dénonciation
de la France.
Le 4 mai, le premier ministre
Abdelaziz Belkadem tire à boulets rouges sur Sarkozy qui
« veut aussi réhabiliter
lOAS, une organisation criminelle, une organisation terroriste
du même type quAl-Qaïda aujourdhui. Elle a été
le précurseur dAl-Qaïda, dune certaine façon
[
] on ne peut pas parler daspect positif de la colonisation.
Prétendre le contraire, cest dire des insanités.
Il ne sert à rien den rajouter. Les Français sont
libres de mener la politique quils souhaitent. Mais que lon
ne compte pas sur nous pour nous taire dès lors quil sagit
de porter un jugement sur une tragédie que nous avons vécue.[
]
Nous souhaitons toujours la signature du traité damitié,
mais il faut se démarquer des crimes de la France coloniale.
»
Catastrophe ! Le 6 mai,
Nicolas Sarkozy est élu président de la république.
Le 8 mai, le colloque de Sétif poursuit sa croisade contre la
France coloniale et la « contribution historique » (El Watan)
de Benjamin Stora est annoncée pour le 9. Mais dans la soirée,
prenant un tournant à 180°, Bouteflika renonce à
demander des excuses à Paris et renonce au traité. Il
nest plus question « dextermination » mais dévènements
« traumatisants ». Il ne sagit plus de dénoncer
une « amitié cannibale » mais détablir
« un climat de confiance fondé sur des valeurs universelles
de liberté et de respect, sans lesquelles toute approche audacieuse
risque de senliser dans de vaines résurgences du passé.
»
Après le refus
clair de Sarkozy sur le traité de paix, la déclaration
de Bouteflika met fin à une politique très avantageuse
pour tous les régimes algériens depuis les accords dEvian.
Par voie de conséquence, toute lhistoire de la guerre dAlgérie
et de lAlgérie française écrite par le lobby
des historiens de « gauche » alignés sur le FLN, avec
le soutien de la presse bien pensante, doit faire lobjet dune
lecture très critique, comme le fut celle des laudateurs du paradis
soviétique. Une parenthèse se ferme et maintenant retour
à lEtoile Nord-Africaine.
Créée au
sein du mouvement ouvrier français et porteuse de toutes ses
valeurs (les libertés démocratiques, la laïcité
de lécole et de lEtat, le syndicat indépendant,
lémancipation de la femme), elle luttait pour la souveraineté
du peuple algérien (les Juifs et les Européens en étaient
une composante) à lissue dun processus constituant.
Cétait aussi un combat pour lunité des trois
peuples dAfrique du Nord (Tamazgha) et un Commonwealth franco-africain
dans un combat commun et fraternel avec la classe ouvrière et
le peuple français. Cinquante ans après, le printemps
sannonce entre lAlgérie et la France.
22 mai 2007
________________________________________
> France-Algérie : une
page se tourne
Dans un texte précédent
: « Bejamin Stora et le tango algérien », il a été
montré que la politique du parti socialiste sur lAlgérie
prolongeait simplement celle de Mitterrand et de Chirac. Après
lélection dun nouveau président de la République,
les relations entre Paris et Alger vont complètement changer.
Pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy sest déjà
prononcé pour une rupture totale avec la politique algérienne
antérieure. La France assumera toute son histoire, mais elle
refuse léternelle repentance pour les « crimes de
la colonisation », rendra justice aux Pieds-Noirs et aux harkis
et ne signera aucun traité de paix avec lAlgérie.
Devenu président de la République, Nicolas Sarkozy met
déjà en application cette politique avec la création
dun ministère de limmigration et de lidentité.
Puisquil sagit
décrire lhistoire de la France, en relation avec
les missions de la Cité de limmigration qui fonctionnera
en septembre, il convient dabord dexaminer létat
de la recherche sur limmigration algérienne pour trois
raisons : son origine (lAlgérie française), son
ancienneté (décembre 1830), sa composition (majoritairement
kabyle et ouvrière). Ajoutons que cest le cas unique où
une immigration fut le creuset du mouvement national algérien
(lEtoile Nord-Africaine), quil fut créée au
sein du PCF sur décision de la troisième internationale,
en 1926, que tous ses membres militaient à la CGTU/CGT jusquen
1956 et que les partis qui ont succédé à lEtoile
: le PPA, le MTLD et le MNA ont toujours lutté pour la formation
dune nation algérienne souveraine par des élections
libres de tous les habitants de lAlgérie à une Assemblée
constituante, en amitié avec le peuple français pour transformer
lUnion française en un Commonwealth franco-africain.
Cest en fonction
de cette histoire longue de limmigration algérienne (1926-1962)
qui est une composante très importante de lidentité
française, quil faut nettoyer le terrain avec une critique
radicale des historiens/partisans et de la confrérie des Repentants
dont le chef de file Benjamin Stora est depuis trente ans le grand bachagha,
au service de la politique algérienne de Mitterrand et de Chirac
larabe, dont son ami Abdelaziz Bouteflika est un ami si chaleureux
de la France.
---------
Le refus dun traité
de paix avec lAlgérie remet en question toute la politique
antérieure de la France sur ce sujet. Elaborée par le
général de Gaulle depuis les accords dEvian en mars
1962, la politique algérienne de la France, restée inchangée
François Mitterrand et Jacques Chirac était fondée
sur un pacte qui fut toujours respecté.
Alger promettait de garantir
lapprovisionnement en hydrocarbures de la France, favorisait la
politique commerciale et militaire et diplomatique de la France dans
les pays arabes et renforçait son poids diplomatique à
lONU et dans les instances internationales ; elle permettait enfin
à la France de conserver ses positions dans son carré
africain, héritage de la colonisation.
En contrepartie, Paris
sengageait sur trois points : la défense inconditionnelle
de lEtat algérien, militaro policier depuis Boumediene,
linterdiction dune opposition structurée avec des
partis, syndicats, associations, presse et de toutes les manifestations
contre la répression en Algérie, le maintien dun
discrédit contre les Pieds Noirs, les messalistes et les harkis.
Paris acceptait aussi quAlger exerce un contrôle policier
sur les flux migratoires entre les deux pays et limmigration par
le biais de lambassade, des consulats, de lAmicale des Algériens
en Europe, du Centre culturel algérien et de la Mosquée
de Paris.
Depuis 1962, limmigration
algérienne en France a connu une histoire économique,
associative et culturelle intense, mais elle fut toujours contrariée
par laction des autorités, des appareils syndicaux CGT,
CFDT et FO, par le PCF et le parti socialiste, ainsi que par le lobby
qui pendant la guerre dAlgérie avait apporté un
soutien inconditionnel au FLN.
Lexplosion sociale
doctobre 1988 en Algérie, suivie de la victoire du FIS
au premier tour des législatives en 1991 a ébranlé
le régime jusque dans ses fondements. En janvier 1992, le président
Chadli démissionne, lAssemblée nationale est dissoute
et le processus électoral est interrompu. Ce choc a donné
naissance à une floraison douvrages sur les origines sociales,
culturelles et religieuses du nationalisme, les causes de la progression
du FIS et la tragédie de la « deuxième guerre dAlgérie
».
Cest à cette
date quon assiste à une revitalisation des thèmes
unificateurs de la gauche pendant la guerre dAlgérie (la
torture, les crimes de larmée française, le massacre
du 17 octobre 1961, les colons exploiteurs, les crimes de lOAS)
avec la montée au front de Benjamin Stora et Mohammed Harbi,
pour assurer la défense du pacte franco-algérien, cest-à-dire
du régime en place.
Le bal est ouvert en 1991
par un livre de Jean-Luc Einaudi : « La bataille de Paris »
et surtout par Benjamin Stora, ex-dirigeant trotskyste du PCI, expert
de lAlgérie par décision de Mitterrand, propulsé
depuis, dans les medias, les colloques et lédition. Cette
année, Stora soutient une thèse dEtat en histoire
« Histoire politique de limmigration algérienne en
France 1922-1962 » qui reprend les thèses du FLN, un film
« les Années algériennes », de même orientation
et « La Gangrène et lOubli : la mémoire de
la guerre dAlgérie. », qui fournit la première
lecture tendancieuse de lhistoire de la guerre dAlgérie.
Dans ce livre, Stora déplace
létude de lhistoire réelle, celle de la lutte
des classes, des processus sociaux politiques et des rapports internationaux
vers le champ nébuleux de la Mémoire. Le changement est
radical avec ses études antérieures : « LAlgérie
et la révolution permanente (1ère partie : les origines
de la révolution algérienne de 1954 » (La Vérité,
n°593, octobre 1980, pp.63-97), sa biographie de « Messali
Hadj, 1898-1974 », Le Sycomore, 1982, pleine derreurs mais
qui reste un livre dhistoire, son Mémoire sur « le
MNA de 1954 à 1956 » et surtout son « Dictionnaire
biographique de militants nationalistes algériens » (LHarmattan,
1985). Après sa rencontre avec Mitterrand, Stora qui a capté
sa baraka est devenu un khouan très fidèle.
La défense de la
politique franco-algérienne seffectue à tous les
niveaux, dont le discrédit de Messali Had comme inventeur, initiateur
du nationalisme algérien au profit dautres dirigeants (comme
Ferhat Abbas ou Abane Ramdane), la présentation de la fédération
française du FLN comme une contre société exemplaire,
la dénonciation des crimes de larmée française
notamment la torture ainsi que lopprobre contre les harkis et
les pieds-noirs.
Mohammed Harbi, dirigeant
du FLN agissant en toute liberté en France jusquà
la fin 1957, sous couverture du de lamicale étudiante inféodée
au FLN (UGEMA) joua un rôle très important pour faire adopter
les thèses du FLN par les medias (lExpress, France Observateur,
Témoignage Chrétien, Le Monde) et pour la mise en place,
par un accord avec le PCF de lAmicale des Algériens (AGTA),
rattachée au Front. Cette amicale installée, les tueurs
du FLN procédèrent alors au massacre de la direction de
lUSTA, aux enlèvements, aux attentats contre des centaines
de messalistes et syndicalistes (4 000 morts et 10 000 blessés)
aboutissant à la caporalisation de lémigration algérienne.
Les ouvrages de M.Harbi, documentés et précis, mais qui
ramènent la guerre du FLN contre le MNA à une guerre fratricide,
restent indispensables pour lécriture de lhistoire
du FLN, à condition den faire une lecture critique, mais
pas pour celle de la révolution algérienne.
Depuis 1991 à 2006,
la défense du pacte franco-algérien sest menée
en trois moments :
1. De 1991 à 1999,
plusieurs batailles ont été menée pour défendre
le régime algérien, engagé dans une guerre contre
le FIS et plus largement contre le peuple algérien (cf. les nombreux
articles de Harbi-Stora-Gilbert Meynier- Liauzu-Manceron dans les journaux
et revues sur « la deuxième guerre dAlgérie
» avec deux livres de Stora : « LAlgérie en 1995,
Michalon, 1995 qui instrumentalise lhistoire du nationalisme pour
proposer un compromis entre le pouvoir militaire et le FIS) et «
Le transfert dune mémoire. De « lAlgérie
française » au racisme anti arabe », La découverte,
1999, livre de commande de Mitterrand pour diaboliser le Front national
afin dempêcher toute alliance entre les composantes de la
droite et permettre à Tonton de rester au pouvoir. A ce sujet,
voir le livre de Yvan Blot : « Mitterrand, Le Pen, le piège.
Histoire dune rencontre secrète, Ed.du Rocher, 2007). De
son côté, Einaudi publie un second livre : « Octobre
1961, un massacre à Paris », Fayard, 2001.
2. De 1999 à 2003,
dans le cadre de la préparation de lannée de lAlgérie,
on assiste à une floraison de travaux et livres, dans le but
de rédiger une histoire politiquement correcte de lhistoire
mixte franco-algérienne et parmi eux, limportant livre
de Gilbert Meynier : « Histoire intérieure du FLN : 1954-1962»,
Fayard, 2002.
3. Lannée
de lAlgérie nayant pas abouti, le président
Bouteflika monte en première ligne pour exiger la repentance
de la France pour les crimes de la colonisation, préalable à
un traité de paix avec la France. Le président na
pas hésité à comparer la France à lAllemagne
nazie en disant : « Qui ne se souvient des fours de la honte installé
par loccupant dans la région de Guelma [
]
Ces fours étaient identiques aux fours crématoires des
nazis » Cette exigence a été entendue par Marc Ferro
qui a dirigé un épais bouquin : « Le livre noir du
colonialisme. XVè-XXIè siècle, de lextermination
à la repentance », Lafont, 2003.
Le signal est donné
pour la formation de la confrérie des Repentants, qui se déchaîne,
en particulier, après la loi controversée du 23 février
2005 qui parle du « rôle positif de la colonisation ».
Quelques livres : O.Le Cour Grandmaison. « Coloniser, Exterminer.
Sur la guerre et lEtat colonial, Fayard, 2005 ; Liauzu : «
Colonisation : droit dinventaire, A.Colin, 2004 ; Pascal Blanchard
et Nicolas Bancel. « Culture postcoloniale.1961-2006. Traces et
mémoires coloniales en France, Autrement, 2006.
Dans le même temps,
Benjamin Stora et Mohammed Harbi ont dirigé un épais livre
: « La guerre dAlgérie, 1954-2004. La fin de lamnésie
», Laffont, 2004 où se trouve sélectionnée
une équipe de spécialistes pour écrire une histoire
convenue.
Pendant la campagne pour
les présidentielles, Benjamin Stora est sorti de lombre
pour défendre le traité de paix avec lAlgérie.
Le refus de Nicolas Sarkozy de signer un traité de paix avec
Alger et décrire une histoire sans tabou mais sans repentance,
met fin au monopole détenu par les idéologues/historiens,
chargés décrire une histoire politiquement correcte.
Bouteflika a lui même compris quil fallait cesser dinstrumentaliser
lhistoire en parlant des crimes de la colonisation. A loccasion
de la commémoration du soixante-deuxième anniversaire
des massacres du 8 mai 1945, il a appelé la Nation à ne
pas voir le présent et lavenir seulement avec les yeux
dun passé ajoutant « quen deux générations
dindépendance, notre pays a pansé la plupart de
ses blessures et pour lessentiel, il est sorti de la nuit coloniale
».
Saluons ce moment où
une nouvelle page souvre. Les étudiants vont trouver en
solde chez Gibert, à très bas prix, les livres de la confrérie
de « Repentants ».
Jacques Simon 9 mai 2007
________________________________________
Ce texte rédigé
fin avril, a circulé dans un cercle restreint. A la demande damis,
il est placé sur notre site et il sera suivi dautres articles
sur le prochain tournant dans les relations franco-algériennes,
après lélection dun nouveau président
de la République. La rupture annoncée par Nicolas Sarkozy,
avec la politique algérienne antérieure concerne en effet
tous les domaines : labandon dun traité de paix avec
lAlgérie, la repentance pour les « crimes de la colonisation
», la réhabilitation des Pieds-Noirs et des harkis et lécriture
sans tabou de lhistoire passée. Pour avancer dans cette
direction, il convient de dresser un état des lieux sur ces questions
en commençant par une critique radicale des historiens/propagandistes
et de la confrérie des « Repentants ».
Benjamin Stora et le tango
algérien
Benjamin Stora est heureux.
Il a été placé à la tête dune
structure qui deviendra un ministère Maghreb, si Ségolène
Royal devient présidente. Il deviendra, en cas contraire, un
pôle de lutte contre le ministère sur limmigration
et lidentité, si Nicolas Sarkozy devenait président.
Stora sefforcera alors, de faire de lentrisme sui generis,
technique quil connaît bien, pour que la Cité de
limmigration considère lhistoire quil a écrite,
comme la seule scientifique. Mais cette bataille est-elle encore gagnable
?
Chirac larabe sen
va, son ami Bouteflika a un pied dans lau-delà et le bilan
du FLN depuis lindépendance nest pas glorieux. A
lopposé, les victimes de la guerre menée par le
FLN, soutenu par Nasser et la Ligue arabe, le bloc communiste, le cartel
pétrolier américain, etc. contre les démocrates
et peuple algérien, relèvent la tête. Les Pieds-Noirs,
les harkis, les messalistes et les millions dAlgériens
en Algérie et en France, comme les enseignants, les étudiants
et les citoyens veulent comprendre les causes profondes de cette tragédie.
Ils savent que cela passe par une mise en examen des écrits et
discours de tous les idéologues qui ont instrumentalisé
lhistoire pour défendre le régime algérien.
Il fallait préciser
cela pour comprendre la réaction violente de Benjamin Stora au
courrier adressé par Nicolas Sarkozy au « Comité
de liaison des rapatriés ». Le candidat sengageait
à leur rendre justice et à faire que la date officielle
de la commémoration des morts de la guerre dAlgérie
ne soit pas le 19 mars, « celle dit-il, dun cessez-le-feu,
qui, de surcroît, na pas été respecté.
» Stora a dénoncé également lengagement
pris par Nicolas Sarkozy devant des représentants des associations
harkis à « reconnaître officiellement la responsabilité
de la France dans labandon et le massacre de harkis.»
Il a trépigné
de rage en apprenant que Sarkozy refusait de reconnaître les «
crimes de la colonisation », et quil voulait « aujourdhui
construire ensemble lavenir, sans repentance, sans réécrire
notre histoire avec lAlgérie. » Indigné, Benjamin
Stora a écrit dans le Monde du 21 avril, que la seule histoire
politiquement correcte quil faut enseigner, cest celle quil
écrit depuis 1984 avec Mohammed Harbi, le meilleur idéologue
du FLN et du régime Ben Bella, devenu la référence
sur lhistoire algérienne en France.
Le comble a été
atteint quand Sarkozy a déclaré quil ne signerait
pas un traité de paix avec lAlgérie, ce qui constitue
pour Stora « une déclaration de guerre à lAlgérie.
»
Lassociation des
harkis et celle des rapatriés, scandalisées par les écrits
infamants de Stora, ayant appelé à voter massivement pour
Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal a demandé à
son ministrable de revoir sa copie. Dans le Monde du 23 avril, on lit
:
« Benjamin Stora
engagé aux côtés de Ségolène Royal,
a atténué ses premières déclarations suscitées
par ce courrier. Cet historien, spécialiste du Maghreb, indique
quil est « essentiel de trouver un compromis mémoriel
». Il ajoute : « Et si nous voulons parvenir à ce compromis,
il faut prendre en compte la souffrance de lautre »
Le « compromis mémoriel
» proposé par Stora, lex-permanent du Parti communiste
internationaliste (Lambert), membre de son comité central et
responsable de la fraction PCI au sein de lUNEF, est un chef d½uvre
de magouille. Stora suggère de rester le patron de lhistoire
de lAlgérie et Ségolène consentira, si elle
parvenait au pouvoir, à offrir aux harkis et au peuple pied-noir,
« cette mosaïque constituée de déclassés
en tout genre » (Télérama 21 mars) des cérémonies
avec chrysanthèmes, « car il faut prendre en compte la souffrance
de lautre, dit-il. ». Mais pas question de changer de programme.
On apprend en effet dans le compte-rendu quen fait le Quotidien
dOran du 22/04 que :
« Elue à lElysée,
Ségolène Royal se donnera cinq ans « le temps dun
quinquennat présidentiel et législatif pour créer
les conditions dune « mémoire apaisée ».
Pour la candidate, un tel défi résonne dautant plus
comme une urgence que le prochain mandat prendra fin en 2012. Echéance
symbolique sil en est, cette date coïncide, en effet, avec
le 50ème anniversaire de la signature des accords dEvian
et la fin de la guerre dAlgérie. « Le calendrier nous
dicte nos responsabilités » observe-t-elle, en répétant
à qui veut lentendre quelle aspire à une «
mémoire apaisée » et une France « réconciliée
avec son histoire ».
[..Ségolène
Royal ne fera pas sienne lidée de repentance. Mais elle
fera en sorte que la colonisation et sa page la plus sanglante, la guerre
dAlgérie, ne seront pas sacrifiées sur lautel
dune quelconque amnésie.[.. .] Dans son message
aux harkis et aux pieds-noirs, la candidate socialiste se garde de cultiver
le discours nostalgique qui plaît aux « sudistes »,
selon lappellation de Benjamin Stora. Ces pans au poids électoral
pesant qui, quarante-cinq ans après la fin des combats, nont
pas encore fait le deuil de « lAlgérie française
».
Célébrer
les Accords dEvian, un traité qui na jamais été
appliqué, cest considérer que les évènements
qui se sont déroulés du 19 mars au 5 juillet 1962, ne
concernent plus la France. Cest pourtant pendant cette période
où lAlgérie était encore française
et que son armée contrôlait le pays que sest produit
le massacre et les enlèvements de milliers de Pieds-Noirs, contraints
à lexode pour sauver leur peau, de plus de cent mille harkis
et de milliers de messalistes, dont Stora milite pour les chasser de
lhistoire, tandis quil absout de tous leurs crimes le FLN,
quil sagisse des milliers de messalistes par Yacef Saadi
et Amirouche, du massacre de Melouza (voir mon livre : « Le massacre
de Melouza, LHarmattan, 2005) et du millier de syndicalistes de
lUSTA) par les gangsters du FLN et cela, en France même,
avec la complicité du PCF, la compréhension de la gauche
bien pensante et le soutien actif des porteurs de valises.
Comment Ségolène
Royal peut-elle prétendre écrire « une histoire apaisée
», quand Stora accuse les Pieds-Noirs de revanchards de lOAS
qui ont investi le Front National et de sudistes, nostalgiques de «
lAlgérie française » (voir son livre : «
Le transfert dune mémoire. De « lAlgérie
française » au racisme anti-arabe », La Découverte,
1999, marqué par la mauvaise foi, de lignorance et de la
réaction ?
Comment, par ailleurs,
placer à la tête dune commission chargée décrire
une « histoire apaisée » un historien, très
engagé et qui ne possède ni la qualification ni lobjectivité
nécessaire ?
En 1986, François
Mitterrand qui voulait récupérer lUNEF a reçu
à lElysée Jean Christophe Cambadélis et Benjamin
Stora. A lissue de lentretien, Mitterrand a poussé
Cambadélis à monter une machine de guerre contre le Front
national « fasciste » et il a désigné Stora
comme lhistorien officiel de lAlgérie, à qui
il a offert la direction de lInstitut Maghreb-Europe, créé
spécialement pour lui.
Aussitôt, Benjamin
Stora sest autoproclamé le successeur de Charles André
Julien. Mais comment avoir cette prétention quand on a préféré
passer un doctorat avec laide de professeurs amis du PCI, que
de passer une agrégation dhistoire.
A la lecture de ses différents
ouvrages, il apparaît quil ne maîtrise que superficiellement
les problèmes de lAlgérie (lhistoire longue,
la démographie, les civilisations, les confréries, lislam
populaire, les institutions et les écoles juridiques de lislam,
sa poésie et sa littérature) qui exigent une connaissance
des diverses langues pratiquées au Maghreb : larabe, le
berbère, langlais, etc.
Comment parler sérieusement
de la colonisation, sans avoir étudier le millier douvrages
scientifiques sur la géographie, léconomie institutions,
le mode de production, le système bancaire, les migrations, le
passé lointain, lhistoire des tribus, etc, utilisés
par des savants comme Augustin Bernard, E-F Gautier, Georges et Philippe
Marçais, Pierre Boyer, Henri Peres Jacques Berque, Charles André
Julien, André Nouschi, Charles-Robert Ageron, Mahfoud Kaddache,
etc ?
Il en est de même
pour la guerre dAlgérie, qui demande une bonne connaissance
des question militaires, des grandes opérations, lhistoire
du barrage, celle des wilayas et de lALN, de la guerre révolutionnaire,
des fractures intervenues au sein de larmée et du contingent,
du renseignements et, plus encore des aspects internationaux de la guerre
dAlgérie ? Pour avoir vécu cette guerre de novembre
1954 à 1962, en Algérie et en France, comme journaliste,
syndicaliste, interprète darabe à Alger en mai 1958,
chargé de la préparation des listes pour les élections
au collège unique, avoir séjourné un an au Sahara
et participé à plusieurs opérations en Oranie et
sur le barrage, avoir discuté avec des centaines dofficiers
et des soldats de toutes les armes, rempli des carnets de notes, recueilli
des centaines de témoignages et documents pendant cinquante ans,
je propose davoir un débat public avec Benjamin Stora sur
ce sujet.
Devenu le spécialiste
dun pays et dun champ de lhistoire quil prétend
dominer, par lusage abusif fait des médias, très
apprécié des chefs de lEtat algérien, Benjamin
Stora a élaboré avec Mohamed Harbi, une histoire officielle
acceptable pour Jacques Chirac et le président algérien.
Nos deux experts ont développé dans les médias
et à luniversité une histoire tendancieuse de la
guerre dAlgérie. Ils se sont ensuite engagés pour
assurer le succès de lannée de lAlgérie
en 2003 et ils se désolent de la non signature du traité
franco algérien, pour renouer avec la France.
Accompagnant François
Hollande en Algérie, Stora a repris le couplet martelé
par les nouveaux porteurs de valises, sur les crimes de la colonisation.
Il a aussi accompagné Jacques Lang, qui a déclaré
à Alger que : « La meilleure façon de sexcuser
est de reconnaître la réalité des crimes qui ont
été commis pendant la colonisation en Algérie de
1830 à 1962. »
Dans LExpress du
4 janvier 2007, Benjamin Stora sest retrouvé dans le camp
du « démocrate » Yacef Saadi, ce chef FLN, venu du
lumpenprolétariat, qui a organisé des réseaux de
tueurs recrutés dans la pègre, pour assassiner des centaines
de militants du MNA à Alger et poser des bombes dans les cinémas,
les restaurants, les bus et les casinos, ce que font les djihadistes
à Jérusalem à Londres ou à Madrid. Peut-on
faire des assassins des héros et exiger la repentance des rescapés
des massacres du terrorisme ?
Que penser de Stora qui
a osé établir, dans Jeune Afrique du 4 au 10 juillet 1990,
« un parallèle entre le triomphe du Front islamique du salut
en 1990 et celui du PPA-MTLD lors des élections doctobre
1947 » ? Que penser du conseil donné au chef de lEtat
algérien de partager le pouvoir avec le FIS, héritier
du PPA (Le Nouvel Observateur .du 16-22/11/1995) et que dire de la centaine
darticles écrits pendant la décade sanglante des
années 1990, où Stora sinterrogeait pour savoir
« Qui tue qui ? » Ces quelques exemples suffisent à
montrer comment Benjamin Stora écrit et enseigne lhistoire
à lUniversité.
Il est enfin amusant dentendre
notre spécialiste parler de son « engagement dans tous les
combats de la gauche anti-autoritaire », alors quil na
pas soutenu le printemps berbère, la lutte des femmes algériennes
contre le code de la famille, celle des travailleurs pour se doter dun
syndicat indépendant de lUGTA, quil na jamais
caractérisé le régime algérien de militaro
policier, avec lislam comme religion dEtat et jamais dénoncé
la répression permanente du pouvoir algérien contre les
femmes, les journalistes, les intellectuels et la jeunesse. Ajoutons
quil a approuvé la politique de Bouteflika sur la réconciliation
avec les islamistes, dont on voit les résultats, avec la réorganisation
des salafistes dans Al Qaïda Maghreb.
Stora déclare quil
va « entamer une discussion avec le PS », alors quil
a été chargé par François Mitterrand depuis
1984, décrire lhistoire selon les directives du pouvoir
politique et quil est officiellement le conseiller de Ségolène
Royal sur le Maghreb.
Dans tous les cas une
page est tournée avec la fin de la politique arabe de la France.
Jacques Simon 2mai 2007
____________________________________________
> LECTURE<
____________________________________________
« Algérie
: Engagements sociaux et question nationale. De la colonisation à
lindépendance, de 1830 à 1962. »
Dictionnaire biographique
du mouvement ouvrier.
MAGHREB
Sous la direction de René
Gallissot. Le Maitron, 2006. Maghreb. Editions de lAtelier, 604
pages
Professeur émérite
de lUniversité Paris 8, René Gallissot a dirigé
la rédaction dun volumineux dictionnaire sur lAlgérie
où le mouvement syndical est étroitement subordonné
au mouvement national. Dans sa chronologie très orientée
comme dans son introduction, Gallissot nignore pas lÉtoile
Nord-Africaine, le PPA et le MTLD, mais il ne considère pas ses
organisations comme la matrice du véritable mouvement nationaliste.
Son acte de naissance serait la rupture programmatique, politique et
organique effectuée par le CRUA, fondateur du vrai mouvement
nationaliste et révolutionnaire : le FLN. Dans cette optique,
Gallissot replace, par delà la parenthèse de 1926 à
1954, le mouvement national dans lhistoire longue de la lutte
menée par le peuple algérien depuis 1830. La figure de
lémir Khaled fait le lien avec celle de lémir
Abd el-Kader puis avec Abane Ramdane, celle des chefs de confréries
religieuses derqaoua ou Rahmaniya, avec Ben Ben Badis et les Oulémas,
composante religieuse importante du FLN. Rien de neuf. Il sagit
là du programme de lhistoire officielle enseignée
en Algérie. Mais comment lier cette histoire à celle du
mouvement ouvrier ? La réponse de Gallissot est simple, elle
est le fait du PCA qui raccorde le mouvement communiste au FLN dans
lequel il sest dissous. Cest en chaussant ces lunettes quon
peut lire les bios retenues dans ce qui sappelle un dictionnaire
du mouvement ouvrier algérien. Précisons :
Pendant les premiers Congrès
de la IIIè internationale, la fonction des syndicats étant
la défense des intérêts particuliers des travailleurs
dun métier, il sensuivait que seul le parti communiste,
section de lInternationale, pouvait défendre les intérêts
généraux et historiques du prolétariat. Malgré
ce rôle directeur du parti dans le mouvement social, les syndicats
disposaient comme les soviets dune large autonomie, car ils regroupaient
des masses dont seule une minorité possédait une conscience
de classe. Il sensuivait que les syndicats devaient fonctionner
selon le principe de la démocratie ouvrière (droit de
tendance), la ligne générale étant décidée
par les congrès des syndicats et celui de la Confédération.
Lorsque Staline prend,
au Vè Congrès de lIC, le contrôle de son exécutif
(le Komintern), on ne parle plus de révolution permanente mais
de révolution par étapes dans la tradition menchevique.
Lapplication de cette orientation seffectue avec la militarisation
des syndicats et lintégration du parti ouvrier dans un
bloc de quatre classes (Guomintang) dirigé par la bourgeoisie.
Cest ce modèle qui sera appliqué par Amar Ouzegane,
ex-secrétaire du PCA et principal théoricien du FLN1.
En France, lapplication
de cette politique a conduit le PCF à installer des cadres communistes
à la direction de la CGTU, subordonnée désormais
au parti. Dautres syndicats sont alors apparus, installant la
division dans la classe. A la libération, une majorité
de cadres communistes se sont imposés à la direction de
la CGT réunifiée, mais après la scission syndicale
mondiale, la CGT-FO est apparue et surtout la Fédération
de lEducation Nationale (FEN), qui admettait en son sein la démocratie
ouvrière (interdite à la CGT), pratiquait le Front unique
ouvrier et militait pour la réunification du mouvement syndical,
indépendant et démocratique.
En 1950, lappareil
de la CGT est dirigé par des communistes et lorientation
déterminée par le bureau politique du PCF, mais les militants
peuvent encore faire passer leurs revendications dans les congrès
régionaux et de branche. A cette date, la direction de la FEN
est majoritairement socialiste, mais la tendance ex-cégétiste
et lEcole émancipée sont représentés
dans les instances dirigeantes et ils sexpriment librement dans
les Congrès et la presse syndicale.
Pour René Gallissot,
si le syndicalisme algérien a été créé
et dirigé par le PCF puis par le PCA, il a été
refondu par le FLN pendant la guerre dindépendance, lex-CGTA
sétant dissoute dans lUnion générale
des travailleurs algériens (UGTA) comme le PCA dans le FLN.
Il sagit là
dune conception originale des rapports entre parti et syndicat,
car dans tous les pays sous domination coloniale, les partis communistes
ont gardé un appareil indépendant des partis nationalistes,
directement rattaché au Komintern (Tunisie, Maroc, Egypte, Liban,
Irak ). En Algérie, la direction du FLN (Abane Ramdane, Ouzegane,
Lebjaoui) a fondé lUGTA pour sopposer à lUnion
syndicale des travailleurs algériens (USTA). Influencée
par La Révolution Prolétarienne et créée
par des cadres messalistes sur le modèle de la FEN, elle proclamait
dans ses statuts lindépendance envers tout parti politique,
la démocratie ouvrière (droit de tendance) et linternationalisme
prolétarien .
Dans le livre, si une
place est accordée à lEtoile Nord-Africaine, cest
parce quelle a été créée au sein du
PCF, et que ses militants étaient membres de la CGTU. On parle
encore du PPA parce que ses militants étaient membres de la CGT,
mais le rôle de ces syndicalistes dans les luttes ouvrières
et le combat contre le fascisme est ignoré. Il est vrai que le
PPA était lié à la gauche socialiste et aux «
hitléro-trotskystes ». Il convenait par ailleurs, de gommer
dans les bios des dirigeants de lEtoile : Imache, Radjef, Yahiaoui
et Messali leur indignation manifestée dans un numéro
spécial de El Ouma, contre le PCF qui était activement
intervenu pour obtenir du gouvernement Blum, linterdiction de
lÉtoile et la répression ensuite contre le PPA.
Le silence est encore
plus épais sur le rôle de la CGTA, réorganisée
à Alger en 1943 et associée à la politique néo-coloniale
du GPRF du général de Gaulle. Le PCA mènera une
campagne acharnée contre Messali en résidence surveillée
à Chellala et contre le mouvement des Amis du Manifeste et de
la Liberté (AML), cautionnant la répression de Sétif
et de Guelma le 8 mai 19452.
Après 1946, le
livre ignore dans les rares bios faites, le rôle très important
des travailleurs algériens, massivement affiliés à
la CGT, dans tous les combats de la classe ouvrière française.
On ne retiendra que la bio du permanent communiste Belouachrani Omar,
adversaire farouche de la politique ouvrière du MTLD au sein
de la CGT puis de lUSTA jusquà la création
de lAmicale des Algériens (AGTA), créée par
le FLN après accord du BP du PCF.
Lexistence de lUSTA
est mentionnée, mais il sagirait dune succursale
du MNA3 .Quelques dirigeants (Ahmed Semmache, Hocine Maroc, Ahmed Bekhat
et Abdallah Filali) font lobjet dune bio incolore, leur
assassinat par le FLN est masqué4, car on ne pouvait dire que
toute la direction de lUSTA a été liquidée
par les tueurs du FLN, peu après linstallation de lAGTA,
avec le soutien du PCF5. Elle deviendra ensuite la police politique
du FLN au sein de lémigration algérienne, mettant
fin à toute lhistoire du syndicalisme algérien en
France, fondé après 1920.
Le dictionnaire comprend
les bios arrangées dune dizaine de dirigeants connus du
FLN (Abane Ramdane6, Yazid, Ouzegane, Ben Khedda, Aït Ahmed, Boudiaf7,
Ben Mhidi, Mohamed Harbi8) et dautres qui nont pas
trouvé place. Il était difficile de parler dAmirouche,
célèbre pour le massacre de plusieurs centaines de civils
kabyles (la nuit rouge de la Soummam) et de djounouds (la bleuite)
Pas de bio heureusement
de Yacef Saadi et les membres de son réseau dune trentaine
de tueurs recrutés dans la pègre (Ali la Pointe) et de
poseuses de bombes dans les cafés et les cinémas (Zohra
Drif, Djamila Boupacha, Djamila Bouhired). Par contre, on trouvera les
bios élogieuses des militants communistes (Daniel Timsit, Fernand
Yveton, Abdelkader Guerroudj ou Yahia Briki) qui furent intégrés
dans le réseau bombe et les commandos de choc du FLN, responsables
du mitraillage de cafés et de cinémas et placés
sous la direction de Yacef Saadi, responsable de la Zone autonome dAlger,
après la mort de Ben Mhidi. Des communistes devenus des
terroristes et placés sous la direction dun chef venu du
lumpenprolétariat : géant !
Le livre comprend les
bio dune poignée de dirigeants du MNA (Filali, Mohamed
Maroc, Moulay Merbah, Mezerna), dont la réécriture simpose.
Celle de Messali est inacceptable car écrite dans la bonne tradition
du PCF qui a voué une haine de classe au fondateur et principal
dirigeant de lEtoile, du PPA, du MTLD et du MNA9.
Gallissot consacre de
nombreuses bios aux chefs du PCF qui dirigèrent le PCA (Laurent
Casanova, André Marty, Larribère, André Moine,
Léon Feix, Pierre Fayet, Roger Garaudy) et à des leaders
du PCA et de la CGTA (Maillot, Guerroudj, Bachir Hadj Ali, Maurice Laban)
qui présentent un intérêt certain pour comprendre
lhistoire du communisme en Algérie, en gardant comme boussole
le beau livre dEmmanuel Sivan : « Communisme et nationalisme
en Algérie, 1920-1962 », PFNSP, 1976.
Il consacre plusieurs
bios aux porteurs de valises (membres du réseau Jeanson) dont
le rôle fut daider le FLN à simposer à
lémigration, à lidéologue Francis Fanon,
magnifié par Jean Paul Sartre pour son apologie de la violence
et deux bios qui éclairent bien laide multiforme apporté
au FLN et qui suffisent à ruiner le mythe dun peuple tout
entier derrière le FLN pour arracher sa liberté.
La première, consacrée
à Henri Curiel est la plus longue du livre. Mais on napprendra
pas que ce banquier qui récoltait largent du racket des
travailleurs algériens apporté par les porteurs de valises
transférait cet argent au banquier nazi Genoud, dirigeant de
la Banque commerciale arabe installée en Suisse. Comme lécrit
Karl Laske qui cite Faligot et Kauffer :
« Lironie de
lhistoire a voulu que travaillent sinon « ensemble »,
du moins « dans la même filière », ce juif communiste
égyptien (Henri Curiel) expulsé de son pays en 1951 et
ce nazi suisse (François Genoud) ami de gouvernements égyptiens
».
La seconde est consacrée
à Michel Raptis (Pablo) qui travaillera avec Mohamed Harbi sur
lautogestion en Algérie pendant lère Ben Bella,
avec les résultats désastreux que lon connaît10.
Là encore, on napprend pas que Pablo, traduit devant le
tribunal dAmsterdam en 1961 pour impression de faux papiers et
de fausse monnaie pour le compte du FLN a reçu également
des fonds de la Banque arabe de Genoud, devenu un ami très proche,
pour construire une usine darmement au Maroc11.
Au total un dictionnaire
qui contient une masse dinformations, à condition de procéder
pour chacune des bios à un examen très critique.
On regrettera que Gallissot
considère que les Algériens ne pouvaient construire un
mouvement ouvrier quen se plaçant sous la tutelle du PCF-PCA
et sous la coupe dun FLN qui quarante ans après lindépendance
refuse la formation dun syndicalisme autonome, libéré
de lUGTA caporalisée par le FLN. On regrette surtout que
Gallissot nait pas utilisé son savoir et celle de son équipe
pour rédiger un dictionnaire sur le mouvement syndical en Algérie
pour compléter le livre de Boualem Bourouiba : « Les syndicalistes
algériens. De léveil à la libération
», LHarmattan, 1998 (surtout la partie allant jusquen
1956) et celui de Houari Touati : « Dictionnaire biographique du
mouvement ouvrier de lOranie », Cahiers du CDSH, Oran, 1981,
213p qui nintègre aucun membre des partis nationalistes
ou du PCA, comme cela devrait être la règle pour tout dictionnaire
du mouvement ouvrier.
Il reste à écrire
une histoire honnête du mouvement syndical algérien en
France, depuis lEtoile Nord-Africaine jusquà lUSTA,
qui dans son dernier numéro de mai 1962 se réclamait encore,
à lopposé de lAGTA, de linternationalisme
prolétarien.
Jacques Simon, 8 avril
2007.
Notes
1. Amar Ouzegane, ancien
secrétaire général du PCA a dirigé «
une délégation qui a été reçue le
10 mai par le chef de cabinet du gouverneur général. Elle
sest entretenue des provocations des agents hitlériens
du parti populaire algérien et dautres agents camouflés
dans des organisations qui se prétendent démocratiques.
Cette coalition criminelle, après avoir tenté vainement
de faire éclater des émeutes de la faim, a réussi
à faire couler le sang ». Réclamant « le châtiment
rapide et impitoyable des provocateurs [
] la délégation
a estimé que ces mesures, appliquées sans délai,
contribueraient réellement à ramener le calme. »
(Liberté et Alger Républicain du 12 mai 1945). Rétrogradé
par André Marty au IVè congrès du PCA en avril
1947, Ouzegane reprendra du service en devenant le principal théoricien
du FLN. Il en fera un Guomintang algérien (Le meilleur combat,
Julliard, 1962, (II,VI-Parti « ouvrier » ou Ligue patriotique).
Principal rédacteur de la plate-forme de la Soummam et des statuts
de lUGTA, partisan du terrorisme et de la liquidation de tous
les messalistes, il joue un rôle majeur dans la liquidation du
mouvement nationaliste et syndical en Algérie. Informations introuvables
dans sa bio rédigée par Gallissot.
2. Jacob Moneta. «
Le PCF et la question coloniale, 1920-1965 », Maspero, 1971, (Ch.4,
pp.144-169) ; Jacques Simon. « Le PPA, 1937-1947 », LHarmattan,
2005 (3è Part. la révolution manquée de Mai 1945).
3. Pendant le 1er Congrès
de lUSTA de juin 1957, dont jai assuré le secrétariat,
il y avait 325 délégués représentant près
de 25 000 syndicalistes ayant payé 8 à 10 timbres de cotisation
(je faisais partie de la commission de vérification des mandats).
Le nombre de militants du MNA natteignait pas les dix mille à
cette date. Voir mon livre : « Le premier Congrès de lUSTA,
juin 1957 » LHarmattan, 2002.
4. « A.Bekhat a été
assassiné de deux balles dans la nuque. Le MNA attribue le meurtre
au FLN ; la police confirme en parlant de « règlements de
compte entre FLN et messalistes ».p.92. Jai montré
dans plusieurs livres, dont « FLN contre USTA », LHarmattan,
2002, quil ne sagissait pas de « règlements
de comptes », mais de la politique contre révolutionnaire
du FLN, analogue à celle utilisée par le Guépéou
stalinien, comme la dit Alexandre Hébert au 2è congrès
de lUSTA (J.Simon. Le 2è congrès de lUSTA,
LHarmattan, 2000), pendant la guerre dEspagne contre le
POUM, les trotskystes et les anarchistes, pour détruire le mouvement
ouvrier.
5. Lamicale générale
des travailleurs algériens, in J.Simon : « Limmigration
algérienne des origines à lindépendance »,
Paris/Méditerranée, 2000 (Ch.4. Syndicalistes algériens
en France pendant la guerre dindépendance. »
5. On ne saura pas que
Abane a exigé la dissolution du MNA dans le FLN. Celui-ci ayant
refusé, Abane chargera Yacef Saadi et ses tueurs de dénoncer
à la police et dassassiner des centaines de militants messalistes
à Alger, tandis quAmirouche a été chargé
de liquider les maquis MNA de Kabylie.
7. Plusieurs auteurs ont
confirmé mon analyse sur le CRUA (J.Simon. Novembre 54. La révolution
commence en Algérie, LHarmattan, 2004 ) à savoir
que le 1er CRUA fut une machine de guerre créée par le
noyau dur des centralistes pour torpiller les préparatifs du
Comité de Salut Public pour le Congrès extraordinaire
du MTLD, la création du second CRUA est le fait du major Fathi
al-Dib, chef des services secrets égyptiens, très lié
aux réseau nazi installé en Egypte et créateur
le 3 avril 1954 du Comité de libération du Maghreb arabe,
installé Rue Abdelkhaled-Sarouat et dont lattaché
de presse était Brahim Tobbal qui « sétait
mis au service des Allemands durant loccupation de la Tunisie
» Karl Laske. « Le banquier noir. François Genoud »,
Le Seuil, 1996, pp.140-141. Egalement : Maurice Faivre. « Le renseignement
dans la guerre dAlgérie », Lavauzelle, 2007, p.17.
Depuis 1952, Fathi-al-Dib sest lié avec le banquier nazi
Genoud, chargé par le Muphti de Jérusalem, Hadj el-Husseini,
au moment de sa fuite de Berlin de « soccuper de ses intérêts
en Allemagne » : Pierre Péan. « Lextrémiste.
François Genoud de Hitler à Carlos », Fayard, 1996,
p.251. Séjournant en Suisse pendant lété
1954, Boudiaf prend un contact qui savèrera durable avec
Genoud. En 1962, Boudiaf, dont le fils Kherredine est hébergé
par Genoud, linvite en Algérie et « le présente
à ses camarades du GPRA de façon chaleureuse : «
François Genoud, notre ami à tous ! » Il le conduit
partout, lui montre le pays. » Péan, op.cit, p.265. Sur
le rôle des réseaux nazis en Egypte et leur liaison avec
le FLN : Roger Faligot et Rémi Kauffer. « Le Croissant et
la Croix gammée. Les secrets de lalliance entre lislam
et le nazisme dHitler à nos jours », A. Michel, 1990,
(Ch.11. LAlgérie sembrase). Le second CRUA fut un
instrument de la politique de Nasser et cest au Caire qua
été rédigée la Proclamation du 1er novembre
1954.
8. Dans une bio très
arrangée, Harbi est présenté comme un militant
très influencé par la tendance Ecole émancipée
entre anarcho-syndicalisme et trotskysme, lhistoire du mouvement
ouvrier international et le marxisme de la gauche critique du centralisme
dEtat et de parti (Rosa Luxembourg). En 1954-1958 quand jétais
membre de lEcole émancipée, personne ne ma
parlé de Harbi et il na écrit aucun texte dans sa
revue dont les dirigeants : Pierre Broué et Robert Cheramy étaient
membres du CC du PCI (lambertiste) et partisans comme le SNI et la FEN
de Messali et du MNA. Le marxisme étant une praxis, tout militant
aurait rejoint le combat de lémigration ouvrière
et donc soutenu le combat de lUSTA, refusé de travailler
sous la direction de Mourad Tarbouche, chargé par Boudiaf dassassiner
Messali Hadj et accepté le contrôle par le PCF de lAGTA,
cette filiale du FLN chargée de la caporalisation de lémigration
avec laide des commandos de tueurs de Ali Haroun (sa bio est absente).
Aucun marxiste naurait accepté par la suite de se placer
dans le même camp que Ahmed Mahsas, « engagé dans
les rangs de la Wehrmacht et de la waffen SS » (Faligot-Kauffer,
op.cit, p.203 ), de MHamed Yousfi, alias « Angel » lié
au réseau Gehlen, de Mohamed Seguir Nekkache, ancien membre de
lAbwehr, futur ministre de la Santé dans le régime
Ben Bella et de Mohamedi Saïd, ce waffen SS devenu chef de la wilaya
III et principal responsable du massacre de Melouza.
9. « Pour en finir
avec la guerre et permettre un avenir libre, Messali préconise
une table ronde réunissant tous les partis politiques algériens.
A partir de 1958, il compte sur le général de Gaulle pour
engager cette solution. Cette 3è voie compromet Messali et plus
encore laisse place à des liaisons douteuses entre les groupes
du MNA et les services français et la police qui traque le FLN.
» Le mur de Berlin est tombé, mais certains communistes
ont gardé leur logiciel stalinien.
10. Challiand (Gérard).
« LAlgérie est-elle socialiste ? », Maspero,
1964 ; Guérin (Daniel). » LAlgérie qui se cherche,
Présence africaine, 1964 et : « LAlgérie caporalisée
?, EDI, 1965 ; (trois ouvrage critiques) ; Laks (Monique). « Autogestion
et pouvoir politique en Algérie, 1962-1965 », EDI, 1970
(très sceptique) ; Duprat (Gérard). « Révolution
et autogestion rurale en Algérie », PFNSP, 1973 ; Raffinot
(Marce). « Le capitalisme dEtat algérien », Maspero,
1977 ; Dersa : « LAlgérie en débat »,
Maspero, 1981 (lucides); Challiand (G)-Minces (Juliette) « LAlgérie
indépendante, Maspero, 1972 (très complet sur la période
1962-1972).
11. Péan, op.cit,
p.269.
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MARS 2007
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> M a r s >< e n
>< A l g é r i e <
En Algérie, Mars
est souvent un mois sensible chargé d'évènements
importants : la fondation du PPA (11 mars 1937), le Congrès des
AML (mars 1936), le ralliement de toute la Fédération
de France et de la plupart des Kasmas d'Algérie, au Comite de
Salut Public (CSP) qui derrière Messali Hadj va refonder le MTLD
sur les principes du nationalisme (mars I954), la manifestation massive
des Algériens devant le Parlement français, pendant le
vote sur les pouvoirs spéciaux (mars1954), la signature des Accords
d'Évian mettant fin à la guerre d'Algérie (mars
1962). Autant dévènements dans la longue chaîne
du mouvement nationaliste, fondé sur une idée forte :
constituer le peuple algérien en nation souveraine à lissue
délections libres et au suffrage universel de tous les
habitants de lAlgérie (Européens, Juifs et Musulmans).
Quarante cinq ans après
l'indépendance, c'est la même question qui est encore posée,
et s'il n'existe pas en Algérie de parti capable de porter le
programme démocratique, le spectre de Messali Hadj et du vieux
PPA n'a pas disparu dans la
conscience populaire comme
l'attestent lécho rencontré pendant le centenaire
de la naissance de Messali Hadj à Tlemcen, les travaux des historiens
sur Mai 1945 et les mémoires des acteurs de cette époque.
Au moment où le
FLN est totalement discrédité par l'exercice du pouvoir
depuis
1962, il convient de replacer
le PPA, le parti des masses algériennes opprimées par
le système colonial, dans le débat public et avec lui,
son programme fondé sur la démocratie sociale et politique
et son chef charismatique qui la fondé et dirigé.
Il y a soixante dix ans
: Le Parti du Peuple Algérien (PPA)
La victoire du Front Populaire
marque un tournant dans la vie politique française de l'entre
deux guerres. Porté par une vague révolutionnaire qui
s'exprime par des manifestations et des grèves avec occupations
d'usines, le gouvernement de Léon Blum soulève tous les
espoirs (1). Dès son retour de Genève où il s'est
réfugié, Messali réunit le Bureau politique (Imache
Amar. Radjef et Si Djilani) puis le Comité Directeur, pour faire
le point sur la situation politique, 1'état du parti et 1e plan
d'action. Puis c'est 1a tournée dans les usines, où les
travailleurs algériens
participent aux grèves
et aux occupations d'usines. Dans une grande raffinerie de sucre, rue
du Caire, Messali parle :
« J'ai expliqué
à lauditoire ce que c'est que le colonialisme et le capitalisme
et 1'importance de 1'union des peuples colonisés avec le peuple
français. Nous sommes aux côtés du peuple français
pour laider à arracher ses droits à la vie, au bien
être social et pour nous aider à arracher les nôtres.
Cette partie de mon allocation a été frénétiquement
applaudie par les
travailleurs français
et algériens (2). »
Dans les meetings, les
dirigeants de 1'Étoile adressent leurs félicitations au
Front Populaire et ils se réjouissent quand le Congrès
SFIO de la salle Huygens approuve à l'unanimité les propositions
de sa Commission coloniale. Aussi les rencontres avec Jules Moch et
Raoul Aubaud, du cabinet Blum sont cordiales mais des mesures économiques
et sociales applicables sans délai sont demandées, ainsi
que 1a suppression des discriminations et mesures d'exception (le code
de 1'indigénat, la police de la rue Lecomte...).
La première démarcation
s'effectue en juillet, quand une délégation du Congrès
Musulman Algérien
(CMA)(3), venue a Paris apporter son soutien au projet Viollette sur
l'Algérie refuse tout accord avec lÉtoile, qui proposait
le remplacement des Délégations financières par
des élections libres à un Parlement algérien. Messali
note que lhostilité du PCA envers lÉtoile
est une application du tournant pris par le Komintern à son VIIème
Congrès et par le PCF à son Congrès de Villeurbane
(22- 25/1/1936)(4).
Il prend acte de lexclusion
dAndré Ferrat et de la gauche « trotskyste »
du part (13 juin) et de lorientation droitière imprimée
par Barthel, successeur de Ferrat, au PCA (5). La démarcation
devient affrontement après le discours célèbre
de Messali au stade municipal d'Alger, le 6 août. Pendant lété,
Messali implante lEtoile dans les principales villes d'Algérie
: Alger, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Aïn Temouchent, Guelma,
Constantine, Bône. En Octobre 1'hymne du parti « Fi daou
El Djezair » composé par le militant poète Moufdi
Zakaria est entonné par les Etoilistes dans tous les meetings.
La presse coloniale qui assiste à 1'entrée tumultueuse
de l'Etoile nord-africaine dans la vie politique, se déchaîne
contre Messali. De son côté, le PCF qui avait voté
le budget colonial de lannée 1937, le 15 décembre
1937 :
« Engagea à
Paris et en banlieue, une vigoureuse campagne contre 1'Étoile,
accusée dêtre un parti lié aux colons fascistes.
Au congrès national du parti tenu en janvier 1937, Ben Ali Boukhort,
délégué de lAlgérie, lattaqua
publiquement. Le 24 janvier à Alger, durant le congrès
musulman dAlger qui comportait un millier de délégués,
lassistance expulsa non sans vigueur, avec le concours effectif
des communistes, une centaine de membres de lEtoile, qui avaient
entonné lhymne de lindépendance (6). »
Dans le même temps,
la direction du Congrès musulman, entraînée par
le PCA, sadresse à Blum pour quil interdise lEtoile.
Ces attaques autorisent tous les coups. À Alger le Journal Officiel
publie une série de décrets contre 1émigration
algérienne. Et c'est l'interdiction de lÉtoile.
Devant le Sénat; le 29, janvier, le sous secrétaire dÉtat
à lintérieur, Raoul Aubaud précisera que
la décision fut prise « au moment où lÉtoile
nord-africaine était désavouée par les populations
musulmanes et dailleurs aussi par le parti communiste (7). »
La direction de l'Étoile
dénonce la mesure prise dans un numéro spécial
de El Ouma et plusieurs meetings de protestation contre 1'interdiction
sont tenus dans la région parisienne. Dans le même temps,
des mesures sont prises pour que le parti poursuive ses activités
et que les militants se regroupent dans un cadre nouveau : « Les
Amis dEl Ouma ».
La dislocation évitée,
la direction élabore les statuts dun nouveau parti qui
sont déposés à la Préfecture de Nanterre,
le 11 mars. Le soir, devant 300 militants.Messali et Abdallah Filali
annoncent la fondation du parti du peuple algérien, le PPA.
Brèves conclusions
La période du Front
populaire est riche denseignements. Elle établit que lÉtoile
était la seule organisation à se placer sur le terrain
du nationalisme, à la différence de Ben Badis et des Oulémas,
de Ferhat Abbas et des Élus, comme du PCA qui soutenaient le
projet néocolonialiste de Viollette.
Par ailleurs, il nest
pas secondaire que le PPA ait été fondé à
Nanterre, au sein de limmigration ouvrière et que lENA
comme le PPA se soient construits dans des villes, parmi la population
laborieuse en France comme en Algérie. On ne peut donc parler
dune rupture politique et programmatique entre lÉtoile
« ouvrière »et le PPA « populiste ».
Il est aussi important
de savoir que lENA et le PPA ont mené le combat pour
lémancipation
sociale et politique du peuple algérien, en recherchant lalliance
du peuple français et de sa classe ouvrière, malgré
la politique dunion nationale menée par ses directions.
Cela explique le refus de toute dérive fasciste et antisémite
par Messali et la direction du PPA internée à Maison Carrée,
à la différence de la quasi-totalité des paris
politiques du Moyen Orient qui, à lexemple du Muphti de
Jérusalem, se sont alliés à lAllemagne de
Hitler.
Il faut donc cesser de
dire, comme le fait Benjami Stora, que le PPA fut la matrice du Front
islamique du salut (FIS)(8).
À lopposé
de ses analyses, on dira que lhistoire du FIS, du GIA comme celle
du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) est
à rechercher dans lécrasement du MNA et de la révolution
algérienne par larmée des frontières, qui
a créé, avec Boumediene, un État militaro-policier,
fondé sur le parti unique avec lislam comme religion dÉtat.
On regardera aussi du côté de lArabie Saoudite dont
le régime est fondé sur le wahabisme.
Notes :
1. El Ouma, Juin 1936.L'article
de Messali écrit à Genève est reproduit dans ses
Mémoires, Cahier
n°12, pp.4714-15.
2. Messali, Mémoires,
Cahier n°13, p.4 794.
3. Le Congrès Musulman
regroupant la Fédération des Elus, les Oulémas
et le
PCA tient sa première
réunion constitutive le 16 mai 1936. Elle adopte le 7 juin,une
Charte qui accordait une large place aux revendications des Oulémas
(officialisation de la
langue arabe, gestion libre du culte musulman et des biens habous, accès
à la citoyenneté française dans le respect du statut
personnel musulman) et demandait « le rattachement pur et simple
à la France, avec suppression des rouages spéciaux : les
Délégations financières, communes
mixtes, Gouvernement général
» (art.2).
4. À son procès,
Messali dira que cest après la signature du pacte Laval-Staline,
que « le parti communiste a renoncé à son programme
algérien pour devenir le champion tapageur du projet Blum- Viollette.
»
5. Ancien dirigeant des
JC, membre du CC et du BP du PCF et son représentant à
Moscou, de 1930 à
1932, rédacteur en chef à LHumanité, André
Ferrat était
aussi responsable de la
commission coloniale. Ferrat était en désaccord avec la
ligne ultra gauchiste
du PCF et le Front populaire qui « risque dêtre en
fait un front européen anti indigène. Et dans le meilleur
des cas il est un front
indifférent aux
indigènes. » E.Sivan. « Communisme et nationalisme
en Algérie,
1920-1962 ». PFNSP,
1976, pp.83-85.
6. Ch-A Julien. «
LAfrique du Nord en marche. Nationalismes musulmans et
souveraineté française.
Julliard, 1972 , p.107. Le 22 janvier, L Humanité publie
une violente critique de lÉtoile : « Des correspondants
nous expriment leur indignation de voir les dirigeants de lÉtoile
nord-africaine prendre la même position que les gros colons Croix
de feu et les fascistes dici contre le plan Viollette. »
7. Pour lhistoire
officielle algérienne, le nationalisme est le fait de deux
hommes : lémir
Abd el Kader et Ben Badis, le chef des Oulémas. Pour Stora, le
nationalisme a trois composantes
: « valeurs républicaines défendues par Ferhat
Abbas ; rôle de
lislam et pratiques religieuses autonomes voulues par
Abdehamid Ben Badis ;
affirmation du fait politique indépendantiste porté par
Messali : par affrontement
et complémentarité entre ces trois hommes se
dessinent les contours
du nationalisme algérien ». LAlgérie en 1995,
p.22. Pour
une histoire du nationalisme
algérien, voir André Nouschi, Ch -R. Ageron, Ch -A
Julien et Mahfoud Kaddache,
dont les travaux restent des références solides.
8. Dans Jeune Afrique
du 4 au 10 juillet 1990, Stora établit « un parallèle
entre le triomphe du Front islamique du salut en 1990 et celui du PPA
-MTLD lors des élections doctobre 1947. »
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CONTROVERSE MAI 2006
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Jacques SIMON,
Le Massacre de Melouza, Algérie-juin 1957, CREAC/L'Harmattan, 2006.
Dans sa dernière
livraison, l'historien Jacques Simon nous intéresse à
un épisode capital de la révolution algérienne
et qui provoque jusqu'à présent silence ou désinformation
organisées : le massacre de Melouza (Beni Illemane) du 29 juin
1957 où plus de 300 personnes d'un douar pro-messaliste furent
froidement exécutés par une unité de l'ALN/FLN.
Il est d'ailleurs rappelé en quatrième de couverture que
le président Bouteflika a interdit la tenue d'une conférence
sur le sujet en mai 2004.
L'ouvrage se compose d'une
première partie inscrivant la tragédie dans une perspective
historique où l'historien fait son métier en rappelant
les faits et de nombreux documents d'époque (de sensibilités
politiques diverses) qui nous permettent d'avoir un panorama assez large
des différentes prises de position suite au massacre ; une seconde
partie est consacrée à l'analyse a posteriori de la tragédie
par des hommes politiques et historiens algériens ou français,
présentés et commentés par Jacques Simon (Ben Bella,
Abbas, Lebjaoui, Harbi, Teguia, Cheikh, Cheurfi ainsi que Bromberger,
Courrière, Guérin, Eveno et Planchais, Hamon et Rotman,
Duquesne, Tripier, Vidal-Naquet, Horne, Alleg, Droz et Lever, Montagnon,
Ageron, Stora, Valette, Fleury, Meynier, Pervillé) ; enfin, une
indispensable chronologie couvrant la période de mai 1951 à
aout 1958 (c'est-à-dire de l'expérience néocoloniale
de Jacques Chevallier à la création du GPRA) nous permet
de suivre l'itinéraire d'une révolution trahie, assassinée,
étranglée par les forces conjointes de l'impérialisme,
du stalinisme et de leurs relais.
Le lecteur honnete qui
voudra se faire sa propre opinion sur cette tragédie, les responsabilités
et la portée de l'événement dans la dynamique de
la révolution aura toutes (ou presque) les cartes en main pour
le faire car il ne s'agit pas là d'idéologie mais de compréhension
sans tabou.
Ce que nous permet de
comprendre l'ouvrage de Jacques Simon c'est que le massacre n'est pas
un fait isolé ou une bavure d'un quelconque chef militaire mais
qu'il s'agit bel et bien d'une exécution programmée et
décidée par l'état-major du FLN dans un contexte
très précis : l'élimination du MNA de la scène
politique, l'extermination de la direction de l'USTA dans le but de
s'imposer comme seul interlocuteur avec la France et confisquer l'indépendance
tandis que le mouvement ouvrier et démocratique, relayant les
mots d'ordre du MNA, défendait l'idée d'une Table ronde,
d'un "Aix-les-Bains" algériens où chaque tendance serait
représentée, prélude à la Constituante souveraine,
au programme du PPA.
C'est aussi le rôle
éminemment contre-révolutionnaire et criminel d'un Abane
Ramdane qui est aussi mis en relief par l'historien. Comment comprendre
que d'aucuns aient pu comparer cet homme au résistant français
Jean Moulin? A vouloir pousser trop loin l'analogie avec la résistance
française à l'occupation nazie, on aboutit souvent à
de sordides contradictions et contre-vérités.
Lé vérité,
elle, se place toujours du côté des opprimés.
Le Massacre de Melouza,
un livre à lire, à faire lire, à discuter.
"Le peuple algérien
conservera impérissable dans sa mémoire votre souvenir"
(extrait d'un tract du MNA de juin 1957)
Nedjib SIDI MOUSSA
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