La Révolution Prolétarienne N°714 septembre 1996

Algérie : quelle situation !

 

LE MASSACRE BARBARE des sept moines trappistes de Tibéhirine par le GIA, la persistance du terrorisme, malgré le rejet par la population du " contrat national " de Rome, l'assassinat de l'évêque d'Oran, Mgr. Claverie, au lendemain de la visite d'Hervé de Charette en Algérie et la crainte d'une relance des attentats islamistes en France, ont réveillé une grande peur : l'entrée de l'Algérie dans un nouveau cycle de violences où la France se trouverait encore impliquée.

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Cette focalisation sur la violence par les médias français et la réduction du problème algérien à une simple crise du pouvoir ne permettent pas de comprendre la mutation multidimensionnelle de la société algérienne, le changement profond des mentalités et la réalité algérienne.

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Insistons sur trois points d'une grande importance :

1. Le mouvement tumultueux de la jeunesse (60 % de la population). I1 s'exprime par le refus de la caporalisation des organisations de la jeunesse par le pouvoir, manifestée au congrès de l'UNJA, dans les séminaires régionaux du mouvement associatif (CS7), par la mise sur pied de syndicats de lycéens et d'étudiants, les manifestations culturelles, les concerts...

2. Le mouvement autonome des " patriotes ", formé de milliers de jeunes, de travailleurs, d'enseignants, de cadres, d'employés, de petits commerçants et de chômeurs. Leur action ne se limite pas à défendre leurs villages et quartiers contre les islamistes. Ils ont contribué aussi à refaire fonctionner les écoles, à organiser l'approvisionnement alimentaire et le travail des champs, à remettre en état les routes et les ponts détruits par le GIA.

3. La recomposition du mouvement syndical dans des structures indépendantes. Elle s'effectue avec la fragilisation de la direction de l'UGTA, inféodée au pouvoir et la croissance des syndicats de la Confédération autonome (CSA). liés maintenant à la FEN pour le syndicat des enseignants (Satef) et à l'UNSA pour la CSA.

En conclusion, il apparaît que la phase de la confrontation entre l'armée et les islamistes pour le pouvoir se termine, malgré la persistance d'actions terroristes d'une rare férocité. Cette violence ne doit pas masquer l'émergence d'un puissant mouvement social, avec des formes nouvelles d'organisations indépendantes des partis et du pouvoir, qui annoncent un nouvel Octobre 1988. Les syndicats et les partis ouvriers doivent soutenir un tel mouvement.

Jacques SIMON