Entretien
avec Jacques Simon Centenaire de
la naissance de Messali Hadj ! Le 15 mai 1998,
s'est tenu à la MGEN, une journée
d'hommage à Messali Hadj. le fondateur da
nationalisme algérien qui fut toujours un ami
de " La Révolution Prolétarienne ". Nous
avons demandé à Jacques Simon qui a
participé activement à l'organisation de
cette journée, de nous accorder un entretien.
Nous le remercions chaleureusement. R.P. Tu es
à l'origine du Centenaire de la naissance de
Messali Hadj et son principal animateur. Tu as
consacré une maîtrise de sciences
politiques à l'Union syndicale des travailleurs
algériens (USTA) et une thèse de
doctorat d'histoire à Messali Hadj. Pourquoi un
tel intérêt pour Messali Hadj
? J-S. Messali
Hadj est le fondateur du nationalisme algérien
et la plus grande figure de l'histoire de
l'Algérie contemporaine. II fait aussi partie
de mon histoire. Depuis mon enfance passée en
Algérie, j'ai éprouvé de
l'admiration pour ce dirigeant toujours
persécuté mais qui avait refusé
le fascisme et l'antisémitisme dont j'ai
beaucoup souffert avec ma famille d'origine juive.
Messali offrait aussi avec des élections libres
à une Assemblée Constituante Souveraine,
une solution démocratique à tous les
habitants de l'Algérie, européens, juifs
et musulmans. Etudiant en
lettres et en droit à Paris en 1954, j'ai
assisté au mouvement d'adhésion de la
quasi- totalité de l'émigration
ouvrière algérienne au Comité de
Salut Public (CSP) lancé par Messali pour
s'opposer au Comité central de son parti.
Celui-ci avait décidé, après la
victoire du MTLD aux élections municipales
d'Alger en 1953, de participer à la gestion de
la ville d'Alger en accord avec le maire
libéral (néo-colonial) Jacques
Chevallier. En juillet 1954, après le
Congrès d'Hornu qui avait refonde le MTLD sur
des positions révolutionnaires, j'ai
décidé de rentrer en Algérie. Je
voulais participer à la lutte
d'indépendance que la nouvelle direction : le
Conseil national de la révolution
algérienne (CNRA), préparait pour
décembre 1954. J'étais convaincu parce
que je connaissais les programmes de l'Etoile
nord-africaine, du PPA et du MTLD messaliste que la
lutte pour l'indépendance conduirait à
l'émancipation sociale et politique des
populations laborieuses algériennes.
Après l'explosion générale du 20
août 1955, je suis revenu en France pour aider
à la construction de la
Fédération de France de l'USTA.
Aujourd'hui je lutte pour que la vérité
soit faite sur le combat héroïque de la
classe ouvrière algérienne et pour que
justice soit rendue à Messali Hadj et à
ses camarades. Je pense que la bataille que nous
menons concerne aussi tous les hommes épris de
vérité et de justice dans ce
pays. R.P. Pourquoi
cette journée d'hommage à la MGEN
? J-S. La MGEN est
un lieu symbolique car c'est dans l'une de ses salles,
dira en introduction à cette
journée Alain Chauvet,
son actuel président, qu'est
décédé Messali Hadj, un grand ami
de Denis Forestier, secrétaire
général du SNI puis président de
la MGEN. Lieu de mémoire attesté par les
nombreux panneaux avec des tracts, journaux, affiches
et photos témoignant de la vitalité du
mouvement nationalite, de son caractère
prolétarien et de son alliance constante avec
la classe ouvrière française. Déjà,
dans le cadre du Salon du Livre euro-arabe qui s'est
tenu à l'Institut du Monde Arabe, le Samedi 24
mai 1997,Jean-Paul Roux, le secrétaire
général de la FEN avait
déclaré : " En participant
activement à la célébration du
Centenaire de la naissance de Messali Hadj, nous
réaffirmons donc que la FEN reste
attachée aux principes qui l'ont
fondée. Elle affirme son
exigence de vérité et de justice pour
tous les combattants de la liberté, hier Nelson
Mandela, aujourd'hui Messali Hadj, ce dirigeant
algérien qui a toujours combattu le fascisme,
le racisme, le colonialisme et l'exploitation
capitaliste en se plaçant aux
côtés du mouvement ouvrier. Aujourdh'ui
comme hier, dans le sillage du combat de Messali, nous
savons que la solution de la tragédie
algérienne passe par un retour à la
démocratie, par des élections libres qui
garantissent la liberté d'expression et d'or,-)
anisation, les syndicats indépendants de
l'Etat, l'émancipation de la femme, la
laïcité de l'école et de l'
Etat. Justice et
vérité pour Messali Hadj, c'est
l'engagement d'une écriture sans tabou et
dépassionnée, par les historiens
algériens et français d'une histoire
commune, de ses lumières comme de ses drames,
indispensables pour donner des repères aux
enfants issus de l'immigration. " R.P. Comment
s'est déroulée cette journée et
quel bilan en tires-tu ? J-S. Ce fut
d'abord une journée pleine d'émotion.
Des dizaines d'anciens militants étaient venus
de Lyon, de la région parisienne et du Nord
pour rendre hommage à Messali Hadj et se
retrouver. Djanina Messali- Benkelfat évoqua
son père et sa jeunesse difficile. Yves
Dechézelles dressa un portrait du dirigeant
indomptable qu'il avait défendu depuis 1941.
Mohamed Guenanèche, l'un des derniers
survivants de l'Etoile nord-africaine, parla de
l'homme qui avait marqué sa vie et des prisons.
Fred Zeller, ancien grand maître du Grand Orient
de France rappela les liens étroits qu'il avait
noué avec Messali et l'historienne Annie
Rey-Goldzeiguer évoqua la compagne de Messali,
Emilie Busquant. Colette Chambelland parlera des liens
de Messali avec les militants de la Révolution
prolétarienne et Jean-Paul Roux parlera du
combat mené par la FEN pour une solution
démocratique au problème
algérien. J'ai aussi évoqué mon
parcours de militant et le rôle que j'avais
joué sous la direction d'Ahmed Bekkat et de
Abdallah Filali dans l'organisation du ler
Congrès de la Fédération de
France de l'USTA. En bref, pour la première
fois depuis l'indépendance, un hommage a
été rendu à Messali Hadj à
Paris, dans la ville où il avait fondé
le mouvement national algérien. R.P. La presse
algérienne a beaucoup parlé de Messali
Hadj mais de quelle façon ? J.S. El Watan
avait l'an dernier annoncé la création
du Comité Messali et reproduit l'Appel qui
l'avait constitué. Au début mai,
plusieurs articles ont paru dans El Watan et lu
Tribune, peu favorables. Mais autour du 15-16 mai tous
les journaux d'Algérie ont consacré de
nombreux articles au Centenaire. Malgré les
critiques faites, personne n'a contesté que
Messali fut le fondateur du mouvement national et cela
constitue déjà un
évènement. De surcroit, la tenue d'un
Centenaire à la MGEN a imposé à
tous les détracteurs de quitter le terrain de
l'anathème pour celui de l'histoire. Là
encore l'un des objectifs fixé par le
Comité a été atteint. Au
lendemain du 1 _5 mai, une opération de
contre-feu a été lancée à
Alger par plusieurs historiens et des membres du
pouvoir, issus du FLN. Selon eux l'histoire de
l'Algérie doit être écrite par les
seuls Algériens et c'est en Algérie que
devra se tenir le prochain Colloque. Dans le
même temps on avance l'idéee que depuis
1978, un gros travail a été fait par les
historiens pour sortir Messali Hadj de l'oubli. Ce
travail de mémoire doit d'ailleurs, selon eux,
s'élargir à d'autres dirigeants ou
personnalités oubliées. L' intention est
claire : faire de Messali un nationaliste parmi
d'autres, placé à égalité
avec Ferhat Abbas, Ben Badis, Boudiaf, Boumediene,
Zeroual, etc. Dans le meilleur des cas, on donnera le
nom de Messali à un aéroport, un
boulevard ou un Musée mais le moment ne sera
jamais venu de relater le combat qu'il a
mené. R.P. Et
maintenant ? Quelles sont les perspectives du
Comité ? J-S. Les choses
ont été dites clairement pendant la
journée d'hommage à Messali à la
MGEN. I1 faut que vérité et justice soit
rendue à Messali et à ses camarades. Il
faut qu'une histoire sans tabou soit écrite
pour les raisons exposées par Jean-Paul Roux.
C'est ce que nous sommes déterminés
à faire en sachant qu'une série
d'opérations de contre-feu sera menée
pour dénaturer le combat de Messali Hadj. A
nous de poursuivre notre route de façon sereine
!