Le Lien N°18 décembre 2002

Histoire séculaire de l'immigration algérienne

 

II existe sur les Algériens en France de nombreux travaux, mais l'étude socio-historique de l'immigration algérienne sur la longue durée a été rarement faite. Lorsque le Centre de recherches sur l'Algérie contemporaine (CREAC) que je dirige a entrepris d'écrire cette histoire, il s'est trouvé confronté à des problèmes d'ordre méthodologique, de documentation et de rédaction.

Dans le cadre de ce bref exposé, j'insisterai sur un aspect souvent négligé : celui des origines et de l'histoire des Algériens en France jusqu'en 1954. Je marquerai ensuite les différents moments vécus par cette immigration pendant la guerre de libération et je finirai par quelques notations sur la période postindépendance, beaucoup mieux connue, en renvoyant aux deux livres tirés de la recherche faite par le CREAC sur cette question.

 

Le premier âge de l'immigration algérienne (1890-1918)

 

Les Algériens, essentiellement des Kabyles, arrivent en France, dès la fin 1830. Ils sont convoyeurs, dockers, manoeuvres, ouvriers agricoles saisonniers ou colporteurs. D'autres algériens enrolés dans des régiments de zouaves ou de spahis participent aux guerres de Napoléon III en Italie et en Crimée.

Pendant les années 1870, la situation évolue par le fait d'évènements majeurs :

1). La défaite de Napoléon 111 dans la guerre franco-allemande, entraînant la chute de l'empire puis la répression de la Commune de Paris.

2). L'écrasement de l'insurrection kabyle de 1871 qui intègre cette région relativement autonome dans une Algérie où le capitalisme est devenu le mode de production dominant, transformant les fellahs et les petits artisans en un immense prolétariat.

3). L'avènement de la Illème république avec la volonté pour les dirigeants de préparer la guerre de revanche contre l'Allemagne. Dans ce but, les radicaux, surtout avec Jules Ferry, mèneront une politique en trois points : l'industrialisation rapide du pays, l'école laïque et gratuite pour former les cadres administratifs et militaires nécessaires et la création d'un empire colonial pour les matières premières, les débouchés pour l'industrie, la main-d'oeuvre à bon marché et les soldats.

C'est ainsi que l'Algérie, devenue un prolongement de la France en Méditerranée, devient la clé de voute de son empire colonial en Afrique (conquête de la Tunisie, du Sahara puis du Maroc). Elle est intégrée dans son économie, sa politique méditerranéenne, sa diplomatie, son outil militaire et son marché du travail.

C'est dans ce contexte que l'immigration algérienne (jusque là saisonnière et limitée) change de nature et de caractère dans les années 1890, en devenant ouvrière, organisée et structurelle.

En 1905, plusieurs centaines de travailleurs algériens sont embauchés dans la région marseillaise (docks, huileries, savonneries et raffineries), les mines et les industries du Nord/Pas de Calais, la sidérurgie de Lorraine et surtout la région parisienne.

Ils sont employés dans le bâtiment et les travaux publics, les industries chimiques, les raffineries, la compagnie des omnibus, les chemins de fer et le métropolitain. Ces travailleurs, originaires pour la plupart de Kabylie, région où la densité de la population est très forte, s'installent de façon organisée dans les villes et régions industrielles, avec des regroupements déjà dans certains quartiers (Montmartre, la place Maubert).

Le mouvement migratoire va s'amplifier et en 1914, on compte près de 13 000 Algériens en France. A cette date, la migration algérienne est insérée dans le cycle des autres immigrations étrangères. Mais du fait de leur statut d'indigène, de leur origine rurale ou villageoise, des dures conditions de travail et de vie, ils vivent à la marge du prolétariat européen. Ils gardent de forts liens avec le pays, se regroupent par villages ou par régions, construisent des réseaux de solidarités et ils s'accrochent à leurs traditions culinaires, religieuses et culturelles. De là l'importance des cafés-hôtels-restaurants comme cadres structurants de cette émigration.

La formation d'une structure socioculturelle originale a facilité l'intégration des Algériens dans i'économie et !a société française, en même temps qui elle devient un creuset où s `est forgée une ;dentité algérienne impossible à se consfiruire dans i'Algérie coloniale, puis une conscience nationale.Pendant la guerre de 1914-1918, la France fait appel aux Nord-

Africains. En 1918, on compte plus de 150 000 travailleurs, dont 78 556 Algériens et 250 000 soldats, dont 175 000 Algériens. Cette main-d'oeuvre est employée dans les secteurs vitaux de l'appareil de production et de la défense nationale : établissements du matériel de guerre et de munitions, services de l'intendance, du génie et de l'aéronautique, transports, mines, chantiers implantés dans la zone des armées. L'introduction massive des ruraux algériens dans les branches les plus modernes de l'industrie, les a transformés en de véritables prolétaires, dans le même temps qu'elle a imposé la modernisation de l'appareil de production en développant le système taylor (la division des tâches dans le travail à la chaine).

La participation reconnue des travailleurs coloniaux à l'effort de guerre, le rôle important joué par les régiments nord-africains lors des offensives de 1917 et 1918, la paix sociale et politique qui régnait en Afrique du Nord, expliquent la sympathie dont jouissaient les travailleurs et soldats nord-africains. Cette situation qui contrastait avec la triste condition des Algériens dans leur pays a joué un rôle important dans la maturation politique des Algériens en France.

 

Le deuxième âge de l'immigration (1920-1939)

 

Après la guerre, le gouvernement rapatrie les 250 000 travailleurs et soldats coloniaux. Mais saignée par la guerre et en partie détruite, la France se tourne à nouveau vers son empire. C'est dans un contexte où l'immigration algérienne, touiours à dominante kabyle. se développe, qu'elle s'ancre plus fortement dans l'économie et la société française et que s'établissent des liens avec le mouvement ouvrier français. Marquons quelques points forts :

 

1). la création en 1926, de l'Etoile Nord-Africaine (ENA), par le PCF. La participation déjà notable des Algériens à la vie sociale et politique en France se développe. Messali Hadj, secrétaire général de l'ENA et permanent du PCF, encourage les Etoilistes qu'il recrute à adhérer à la CGTU et à devenir des cadres politiques. En 1927, pendant le Congrès anti-impérialiste de Bruxelles, Messali prononce un discours fondateur du nationalisme algérien (l'abrogation du régime colonial, les libertés démocratiques et l'élection d'une Assemblée Constituante Algérienne Souveraine par tous les habitants de l'Algérie (Européens, Juifs et Musulmans).

2). Après Bruxelles, l'Etoile se démarque par étapes du PCF mais ses militants restent toujours à la CGTU. Le programme de l'Etoile s'enrichit (l'abrogation du régime colonial, les libertés, la laïcité de l'Etat algérien, l'émancipation sociale, politique et culturelle des couches exploitées, l'indépendance du syndicat).

3). L'Etoile se construit comme un parti ouvrier en s'inspirant du modèle communiste. La plupart des cadres sont des Kabyles, mais on compte aussi d'autres Algériens, des Tunisiens et des Marocains. A partir de 1933, les Etoilistes quittent le PCF mais ils restent à la CGTU.

4). L'Etoile participe activement à la lutte des classes en France, en liaison avec la gauche socialiste et révolutionnaire ; elle considère en effet que l'émancipation du peuple algérien ne pourra se faire qu'avec l'aide de la classe ouvrière et du peuple français ami, avec comme perspective, la transformation de l'empire en un commonwealth franco-africain.

L'Etoile participe à toutes les luttes contre la montée du fascisme ( les factieux en février1934, l'agression italienne en Ethiopie, le national-socialisme) et l'antisémitisme (les émeutes de Constantine en 1934). Elle participe aux grèves et aux occupations d'usines en juin 1936 et adhère au Front populaire sans renoncer à son programme, ce qui entraînera son interdiction. Mais elle renaît en 1937 en devenant le Parti du peuple algérien (PPA) qui conserve le même programme. Le PPA participe à toutes les luttes des travailleurs et le PPF de Jacaues Doriot. Elle s'implante en Algérie et devient le parti dans lequel se reconnaissent les masses opprimées. En 1939, le PPA est interdit et toute sa direction emprisonnée, mais son action se poursuit. Insistons sur trois points .

- le refus de toute collaboration avec Vichy, ce qui interdira la formation d'une armée d'Afrique par les fascistes ;

- le refus d'une collaboration avec le GPRF dirigé par le général de Gaulle parce qu'il considérait que l'Algérie était un territoire français ;

- le combat mené dans le cadre des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), initié par Ferhat Abbas pour une Assemblée Constituante Algérienne. Investi par les messalistes, les AML deviendront un mouvement de masse, qui sera cassé le jour même de la fin de la guerre (massacres de Sétif et de Guelma, le 8 mai 1945).

 

Le troisième âge de l'immigration (1945-1954)

 

Dès 1945, les travailleurs algériens retrouvent le chemin de la France et ils sont affectés dans les secteurs prioritaires : les mines, la sidérurgie, les industries mécaniques, chimiques et textiles, les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires, les transports, les barrages. Ils participent à la relance de la machine économique et au maintien de l'équilibre entre campagnes, villes moyennes et métropoles. L'économie française a bénéficié d'une main-d'oeuvre jeune, robuste, directement introduite dans le procès de production, au coût très bas (absence de formation professionnelle, de droits sociaux, de logement), mobile et variable en fonction des besoins de l'économie.

Mais depuis 1947, les Algériens devenus des " franco-musulmans " possèdent plus de droits sociaux et politiques. Ils s'organisent dans le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD) qui reprend dans un contexte nouveau le programme et les traditions l'Etoile et du PPA. II réclame toujours la fin du régime colonial, les libertés démocratiques, l'indépendance du syndicat, l'émancipation de la femme, la laïcité de l'Etat, une Assemblée Constituante et le remplacement de l'Union française en un Commonwealth franco-africain. Ses militants restent à la CGT mais il existe des cellules MTLD d'entreprises. Ils participent à toutes les actions de la classe ouvrière et à ses manifestations.

En 1954, le MTLD est déchiré par une crise qui se durcit pendant l'année. Une issue intervient quand Messali Hadj, en résidence surveillée à Niort reprend aux réformistes du Comité central, le contrôle du parti. Refondé au Congrès d'Hornu en juillet 1954, le MTLD s'oriente vers la lutte armée généralisée en décembre 1954. Mais le 1 er novembre, Boudiaf et le CRUA devancent cette action en lançant "la Toussaint rouge".

 

L'immigration algérienne pendant la guerre d'indépendance.

 

Pendant le temps qui me reste, je me limiterai à fournir quelques repères et à dégager les tendances lourdes, en renvoyant au livre que le CREAC a consacré à l'immigration algérienne jusqu'en 1962, où la quatrième partie est consacrée à cette question.

Mon exposé comprendra quatre

parties

 

1. L'immigration algérienne en 1954.

Plusieurs traits la caractérisent :

a) l'importance démographique. Dès la fin 1945, le flux migratoire qui avait été stoppé en 1940 reprend en se développant. C'est toujours une émigration de travail à dominante kabyle, bien que le recrutement se soit élargi maintenant au Constantinois (région de Sétif et des Aurès), à l'Oranie et au Sahara.

II s'agit d'une main-d'œuvre jeune, de célibataires ou d'hommes mariés au pays (surtout en Kabylie), d'ouvriers peu qualifiés (la plupart sont des manoeuvres ou des ouvriers spécialisés). Mais depuis 1949/50, en relation avec la poussée démographique et la crise sociale et politique de la colonie, les Algériens s'efforcent lorsqu'ils ont un emploi qualifié et un logement, de faire venir leur femme et leurs enfants, c'est à dire qu'on assiste, avec la formation d'une immigration familiale, à un changement dans les mentalités d'une fraction du prolétariat algérien qui cherche à s'installer de façon durable en France. Cette tendance va se développer vigoureusement pendant la guerre, en particulier dans les années 1960 et se poursuivre en s'amplifiant après l'indépendance jusqu'en 1974.

b) la répartition géographique. Cette population se dirige vers les villes et les régions industrielles du Nord, de l'Est, du Centre, de Marseille et surtout dans la région parisienne, c'est à dire dans des régions où l'immigration algérienne s'est sédimentée depuis le début du siècle et dans un espace où, depuis le second XIXe siècle, les autres immigrations allemande, suisse, belge, italienne et polonaise se sont implantées.

c) la vie professionnelle et sociale. La France ayant été ravagée par la guerre, la main-d'oeuvre algérienne (près de 400 000 hommes en 1954) est massivement introduite dans les secteurs considérés dans le plan gouvernemental comme essentiels pour le redressement du pays : les mines, la sidérurgie, la métallurgie, la chimie, le textile et les travaux publics, en particulier la construction des barrages et des voies ferrées.Mais à la différence de la période de l'entre deux guerres, les Algériens sont régis par le statut de 1947 qui leur acorde la citoyenneté française - même si elle établit un double collège électoral -, plus de droits sociaux et de libertés démocratiques. C'est ainsi que les travailleurs algériens qui sont dans leur grande majorité syndiqués à la CGT, participent activement aux luttes ouvrières et à la vie de l'entreprise. Aux usines Renault par exemple, la CGT obtient, grâce au vote algérien, la majorité au Comité d'entreprise, à la Commission hygiène et sécurité, etc.

Par ailleurs les Algériens, dont beaucoup suivent des cours du soir, améliorent leur qualification professionnelle et accèdent à des postes de responsabilité dans les différentes commissions de l'entreprise.

Comme par le passé, les Algériens participent activement à la lutte des classes (grèves et manifestations). C'est ainsi que des milliers de travailleurs algériens se trouvent le 14 juillet 1953 dans le défilé parisien de la CGT et du PCF, derrière des pancartes de leurs entreprises, des banderoles du MTLD , des drapeaux algériens et des portraits géants de Messali Hadj.("

A la hauteur de la Bastille, les CRS tirent sur le cortège faisant 7 morts, dont 2 Français. Le PCF et la CGT dénonceront aussitôt la provocation policière et organiseront du 15 au 24 juillet, des manifestations et des arrêts de travail. Ils rendront aussi, de façon solennelle " un suprême hommage aux martyrs de la liberté " (l'Humanité du 27 juillet 1953)1

 

En 1954, le MTLD est traversé par une crise qui, après huit mois de durs affrontements politiques mais qui ne furent jamais sanglants, se termine en juillet 1954 par la refondation du MTLD au Congrès d'Hornu, l'élection d'une nouvelle direction : le Conseil national de la Révolution Algérienne (CNRA) et la décision prise de commencer la lutte armée en décembre 1954, après la session de l'ONU de novembre.

Au courant de ces intentions, le gouvernement Mendes France met en place un dispositif répressif et déporte Messali Hadj, le chef du MTLD, de Niort où il était placé en résidence surveillée aux Sables d'Olonnes (Vendée). Aussitôt des centaines de comités pour la libération de Messali sont créés et des manifestations et des meetings se tiennent en octobre dans la plupart des villes de France et dans une quarantaine de villes d'Algérie. C'est dans ce contexte que Boudiaf, qui a regroupé quelques "acti

vistes" dans le CRUA, lance, avec le soutien de Nasser, les actions armées du 1 er novembre 1954.

 

2. La période 1954-1956

En 1954, l'émigration algérienne est dans sa quasi totalité acquise au MTLD comme l'attestent les cortèges algériens dans les défilés du 1 er mai et du 14 juillet 1954 ainsi que l'ampleur des manifestations de protestation après la seconde déportation de Messali, qui se déroulent jusqu'au 31 octobre 1954.

Le 2 novembre 1954, une répression très dure s'abat sur les cadres connus du MTLD, parti qui sera dissous le 5 novembre. Mais en décembre 1954, il est reconstitué sous le sigle de Mouvement national algérien (MNA) qui est le seul parti révolutionnaire algérien en France, car le FLN ne s'implantera dans l'émigration qu'au début 1956.

L'année 1955 est marquée par une répression permanente contre les militants et les syndicalistes algériens qui, de leur côté participent à toutes les grèves et actions du mouvement ouvrier et aux actions contre la guerre d'Algérie. C'est ainsi que les messalistes se sont engagés dans la grève totale de la Loire-Atlantique d'août 1955 et qu'ils ont distribué des milliers de tracts dans les usines de la région parisienne pour que la grève devienne générale dans toute la France.

Je peux témoigner de ce fait parce que j'ai moi-même distribué, avec des camarades algériens, des tracts aux usines Renault, bien accueillis d'ailleurs par les travailleurs français, devenus sensibles, après l'insurrection générale du 20 août 1955 en Algérie, que les opérations de maintien de l'ordre étaient devenus une véritable guerre.

Fin novembre 1955, après la chute du gouvernement Edgar Faure, l'Assemblée nationale est dissoute et pendant la campagne électorale pour les législatives, la question algérienne est au centre de tous les débats.

Le 2 janvier 1956, le Front républicain remporte la victoire aux élections. Le 6 février, Guy Mollet, le chef du nouveau gouvernement il se rend à Alger pour installer le général Catroux en remplacement de Jacques Soustelle au gouvernement général. Conspué par une manifestation des Européens conduits par l'extrême droite, Guy Mollet capitule et un débat s'ouvre à l'Assemblée nationale sur les pouvoirs spéciaux. C'est alors que pour peser sur ce débat, le MNA distribue des milliers de tracts dans les usines, les métros et les gares puis il lance un appel à la grève générale des travailleurs algériens et à une manifestation centrale à Paris.

Le 9, la grève des Algériens est massive. Chez Renault où travaillent 4 000 Algériens, des départements entiers comme les fonderies, les forges, les presses, sont presque arrétés.Le Monde du 10 mars écrit :" A Paris, depuis le matin, les Algériens arrivent par petits groupes à la mosquée, fixée comme lieu de rassemblement. Mais d'autres lieux de regroupement existent aux portes de Paris. A 14 h 40, le drapeau vert et blanc, frappé du croissant et de l'étoile rouge des fellaghas, est brandi devant la porte de la mosquée de Paris par quelques jeunes gens et applaudi par près de trois mille Algériens. A 15 heures, les manifestants se constituent en cortège. Ils sont plusieurs milliers, ils défilent silencieusement en occupant la chaussée. Ils empruntent la rue Geoffroy-Saint-Hilaire, le boulevard Saint-Marcel et le boulevard de l'Hôpital. Après avoir traversé la Seine, ils suivent le boulevard Morland en direction du palais Bourbon, dont les abords sont massivement occupés par les forces de l'ordre ".

La police charge le défilé sans le disloquer et procède à des arrestations, mais en nombre limité. Pour trois raisons :

l'existence d'un service d'ordre massif et déterminé, le soutien de la gauche révolutionnaire et les syndicats d'enseignants, la campagne du MNA pour la paix en Algérie et la fraternité des peuples français et algérien.

Après le vote des pouvoirs spéciaux, une répression massive frappe les travailleurs algériens en même temps que le contingent est mobilisé pour la guerre coloniale.

 

3. De mars 1956 à mai 1958

La situation est caractérisée par :

a) une vigoureuse mobilisation de la gauche socialiste et révolutionnaire contre l'envoi du contingent en Algérie, des atteintes croissantes aux libertés démocratiques et l'expédition francoanglo-israélienne à Suez qui se termine par un fiasco et une intervention plus forte des Etats-Unis au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

b) la création de l'Union syndicale des travailleurs algériens (USTA) qui, à son 1er Congrèsde juin 1957 fait la démonstration que c'est une organisation syndicale de masse indépendante de tout parti et démocratique.

c) un affrontement sanglant entre le FLN et le MNA qui va créer un fossé entre travailleurs français et algériens, à un moment où le mouvement ouvrier français reflue et que les paras ont remporté la bataille d'Alger en utilisant les méthodes les plus discutables.

On connaît la suite : le soulèvement des Européens et de l'armée à Alger le 13 mai, la fin de la IVème république, le retour du général de Gaulle au pouvoir et la mise en place des institutions de la Vème république.

 

4. Sous la Ve République

La dernière période est marquée par un problème majeur : quelle solution apporter au problème algérien ? On peut distinguer cinq moments :

* du 4 juin 1958, pendant lequel le général De Gaulle prononce son discours sur le Forum d'Alger, en août 1959 où il effectue sa " tournée des popotes ", deux faits importants : l'intensification de la guerre avec le plan Challe et la création du GPRA présidé par Ferhat Abbas.

* du discours sur l'autodétermination du 16 septembre 1959 à juin 1960, deux faits majeurs : la semaine des barricades à Alger en janvier 1960 et l'échec des pourparlers de Melun entre les émissaires du général de Gaulle et le GPRA.

* du 4 novembre à décembre 1960, trois faits majeurs : l'évocation par le général de Gaulle d'une " République algérienne "; la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du général de Gaulle ; les manifestations des Algériens à Alger, lors du voyage du général de Gaulle.

* De janvier 1961 à la signatures des Accords d'Evian, la période est particulièrement violente avec :

- la formation de l'OAS ;

- la guerre menée en France par la direction du FLN pour s'imposer comme seul interlocuteur valable ;

- un durcissement de la répression avec le massacre des Algériens, le 17 octobre 1961 et celui de Charonne, le 8 février 1962 avec, en réponse aux 8 tués par les forces de l'ordre, une grève générale et une manifestation de cinq cent mille personnes à Paris lors des obsèques des victimes. C'est dans ce contexte que le général de Gaulle signe avec le GPRA les Accords d'Evian, le 18 mars.

*De mars 1962 à la fin 1962, la violences diminuent sans cesser, par le fait de la poursuite des affrontements entre FLN et le MNA et des attentats de l'OAS.

La proclamation de l'indépendance le 5 juillet est saluée par tous les Algériens de France, mais pendant l'été 1962, le conflit entre le GPRA et l'état-major des frontières aboutit à la dissolution du GPRA et du CNRA, la disparition de l'exécutif provisoire, l'implosion du FLN et l'entrée en force de l'armée des frontières qui s'imposera aux wilayas de l'intérieur qui avaient supporté tout le poids de la guerre, avant de s'installer au pouvoir.

C'est pourquoi, dès septembre 1962, l'émigration algérienne reprend et s'amplifie, favorisée par les Accords d'Evian. En même temps qu'elle change de nature en devenant une émigration de peuplement qui va s'enraciner, après une période d'interrogation qui prend fin en 1974 quand l'émigration algérienne de travail prend fin. L'émigration algérienne entre dans une nouvelle phase : elle n'est plus " exemplaire " (Sayad), mais elle devient normale en s'inscrivant dans le cycle des autres immigrations, avec les difficultés liées à cette histoire.

;

 

Deux brèves conclusions :

 

1). La guerre menée par le FLN en France contre le MNA, l'USTA et le peuple français n'a constitué qu'une brève séquence dans une histoire séculaire de la fin 1957 à 1962). L'explosion du GPRA, l'installation au pouvoir d'un régime militaire, le retour massif de l'émigration en France dès la fin 1962, la dissolution de la Fédération de France du FLN et la répression contre la Kabylie ont ramené l'immigration algérienne à son histoire passée où elle était ancrée dans le mouvement social français.

2). La guerre d'Algérie a constitué un immense gachis car l'Etoile, le PPA, le MTLD puis le MNA ne demandaient que la fin du régime colonial, l'élection par tous les habitants de l'Algérie d'une Assemblée Constituante Souveraine et la transformation de l'Empire puis de l'Union Française en un Commonwealth franco-africain.

,: (1) Le 22 novembre 2001, pendant des journées d'études de la CGT sur la guerre : : d'Algérie, un film sur les manifestations des Algériens à Paris, en particulier celle du 14 ~ : juillet 1953, a montré combien était grande, malgré les divergences entre le PCF et le : ~ MTLD, la solidarité entre travailleurs algériens et français.

Quarante ans après, il apparaît que l'écriture sans tabou de l'histoire longue de l'immigration algérienne est l'une des conditions premières pour tourner la page du passé et ouvrir le chantier de la construction de l'Occident méditerranéen au XXIè siècle.

 

(1) Le 22 novembre 2001, pendant des journées d'études de la CGT sur la guerre d'Algérie, un film sur les manifestations des Algériens à Paris, en particulier celle du 14 juillet 1953, a montré combien était grande, malgré les divergences entre le PCF et le MTLD, la solidarité entre travailleurs algériens et français.